Le Burkina Faso, à l’instar des autres pays africains, a célébré le mardi 4 octobre 2011 à Ouagadougou, la neuvième Journée africaine de la médecine traditionnelle, sous le thème « Conservation des plantes médicinales : héritage africain ». Prestation de serment de tradipraticiens de santé, remise de prix aux acteurs œuvrant à la promotion de cette médecine sont les moments inoubliables de cette commémoration.

L’acte est inédit ! A l’image d’un médecin, après au minimum sept ans d’études, prêtant le serment d’Hippocrate, trente- deux tradipraticiens de santé (TS) se sont engagés, le lundi 4 octobre 2011. Ils ont juré de préserver et promouvoir la vie humaine, de reconnaître leurs limites, de ne pas arnaquer les patients, etc. « Pendant longtemps, on ne pouvait pas imaginer qu’un tradipraticien pouvait avoir un certificat de pratique de son métier », s’est exprimé un tradipraticien de santé. En effet, une centaine de dossiers ont été déposés auprès des chercheurs pour examen. Et les « admis », pour la toute première fois dans l’histoire du Burkina, ont pris publiquement un engagement déontologique à exercer leur métier. Leurs attestations en main, ils ont été autorisés à pratiquer la médecine traditionnelle sur l’ensemble du territoire burkinabè. Le ministre de la Santé, Pr Adama Traoré, a invité la population urbaine ou rurale à ne plus se cacher pour ses consultations chez les tradipraticiens de santé. « La médecine traditionnelle, longtemps considérée à tort par certains comme une pratique d’un autre âge, sort aujourd’hui de l’ombre pour occuper sa place dans notre système de santé, conformément aux recommandations de l’OMS », a d’emblée rassuré le ministre de la Santé. L’événement a eu lieu à la neuvième Journée africaine de la médecine traditionnelle où chercheurs, scientifiques, autorités et tradipraticiens se sont mobilisés pour magnifier le savoir médical traditionnel à travers le thème : « Conservation des plantes médicinales : héritage africain ». Un sujet qui pose la problématique de la raréfaction inquiétante des plantes médicinales, principales sources de matières premières pour la fabrication des médicaments traditionnels. Il interpelle donc les TS, au premier plan. Le président de l’Association des tradipraticiens du Kadiogo, Samuel Sawadogo et le phytothérapeute, Jean Marie Compaoré, ont montré l’importance de ce thème pour eux détenteurs du savoir médical des ancêtres. Pour Jean Marie Compaoré, les guérisseurs d’antan n’avaient pas besoin de parcourir plusieurs kilomètres pour retrouver des ressources végétales nécessaires pour préparer leurs remèdes. Il suffisait de faire le tour de la concession pour récolter les tisanes nécessaires. « Les guérisseurs des temps anciens ne détruisaient pas la brousse. La nature était protégée par beaucoup de lois coutumières », précise-t-il.

Aujourd’hui, tel n’est plus le cas. La forêt, notamment les plantes médicinales sont en train de disparaître, sous l’action de l’homme, sa cupidité et du changement climatique. Cependant, les tradipraticiens de santé encadrés par le ministère de la Santé, poursuit-il, ont acquis des connaissances sur les bonnes pratiques de la récolte, du séchage et de la préparation des recettes. Toute chose qui leur permet de préserver la nature et de lutter contre la désertification. Les TS font des jardins botaniques.

Les tradipraticiens veulent un ministre délégué

Et le Burkina compte à ce jour, une trentaine de jardins. « Je lance un appel à chaque tradipraticien de santé, à non seulement créer un jardin botanique dans sa localité d’exercice, mais aussi, à promouvoir les bonnes pratiques de récolts des plantes médicinales », a insisté le ministre de la Santé, Pr Adama Traoré. Au plan africain, la représentante de l’OMS au Burkina, Djamila Cabral, a souligné que treize pays ont adopté des politiques nationales de conservation des plantes médicinales et les lignes directives de l’OMS relatives aux bonnes pratiques agricoles et de collecte des plantes médicinales. Dix-sept autres pays cultivent des plantes médicinales à divers degrés. En dépit de ces progrès, très peu de pays africains sont dotés de la législation nécessaire à la protection des espèces médicinales menacées de disparition. C’est ainsi que dans son message, le directeur régional de l’OMS pour l’Afrique, Luis Gomes Sambo a encouragé le secteur privé à investir dans la recherche et dans la formation à la médecine traditionnelle, ainsi que dans la culture et la conservation des plantes médicinales.

La Journée africaine de la médecine traditionnelle apporte une visibilité aux bonnes pratiques et contribue également, au renforcement de l’esprit de collaboration entre les praticiens de la médecine moderne et ceux de la médecine traditionnelle. C’est pourquoi de plus en plus la méfiance qui prévalait entre ces deux systèmes de soins se dissipe progressivement.

Le Pr Adama Traoré a rappelé que la présente célébration se tient dans un contexte caractérisé par l’adoption d’une politique nationale de santé et d’un plan national de développement sanitaire 2011-2020. Et ces références nationales de planification, découlant de la Stratégie accélérée et de développement durable (SCADD) prennent en compte le développement de la médecine. « Les conditions sont réunies pour faire du savoir médical traditionnel, un levier de développement au profit du progrès social », a-t-il affirmé. Malgré tout, les doléances ne manquent pas. Les tradipraticiens demandent entre autres, au président du Faso, de créer un centre national de médecine traditionnelle, de protéger leurs médicaments par des brevets, de créer un fonds de soutien à la médecine traditionnelle. Ils souhaitent aussi avoir un ministre délégué.

La célébration de la Journée africaine de la médecine traditionnelle s’est terminée par des décorations, des remises du prix du mérite du ministre de la Santé et du prix Kamanga Théophile Ouédraogo aux journalistes œuvrant à la promotion de la médecine traditionnelle. Le botaniste Ouétian Bognounou a été élevé au rang de commandeur de l’Ordre national, les tradipraticiens Mariam Sankara, Sansan Kambou et Moussa Konfé ont été faits chevaliers de l’Ordre du mérite de la santé et de l’action sociale avec agrafe santé.

Boureima SANGA
bsanga2003@yahoo.fr

Engagement déontologique des tradipraticiens de santé

Vu la politique nationale en matière de médecine et de pharmacopée traditionnelle ; Vu la réglementation sur la médecine et la pharmacopée traditionnelle ; Vu l’engagement des autorités politiques à promouvoir et valoriser la médecine et la pharmacopée traditionnelle

Nous tradipraticiens de santé, nous nous engageons à :

- Préserver, protéger et promouvoir la vie humaine

- Ne pas faire de la publicité mensongère

- Ne pas faire des pratiques traditionnelles néfastes (excision, scarifications, etc.)

- Eviter la vente illicite des médicaments

- Ne pas faire d’usurpation de titre, à nous contenter de notre titre de tradipraticien de santé

- Ne pas arnaquer les patients, à ne pas nous faire rémunérer plus que nécessaire

- Ne pas corrompre et ni se laisser corrompre

- Reconnaître les limites de nos compétences et référer les malades vers un autre praticien

- Faire la notification des maladies à déclaration obligatoire

- Respecter les bonnes pratiques en matière de médecine et de pharmacopée traditionnelle

- Sauvegarder l’environnement

- Protéger le savoir médical traditionnel Pour tout ceci, nous nous engageons et nous en faisons le serment, en ce jour 4 octobre 2011.

Deux questions au botaniste Ouetian Bognounou, commandeur de l’Ordre national

Vous venez d’être décoré commandeur de l’Ordre national. Quels sont vos sentiments ?

Je suis très heureux de cette distinction à moi faite par le Burkina Faso, à travers le président du Faso. En fait, j’ai été nommément cité. Sinon, mes travaux de recherche ont impliqué des collègues chercheurs comme la Pr Odile Nacoulma, des techniciens comme Ouattara Simon, Ouattara Issouf, malheureusement décédé, mais aussi ceux de l’Institut de recherche en sciences de la santé, avec qui on a travaillé sur le « Faca », ce médicament qui sert à soigner ou du moins, à atténuer les douleurs dues à la drépanocytose. En tout cas, c’est un honneur qui est fait aux chercheurs. Nous sommes nombreux en contact de tradipraticiens, notamment ceux du Kadiogo. Donc, on a fait un travail vraiment remarquable, le Pr Nacoulma, moi-même et bien d’autres chercheurs. Nous souhaitons que les médias, notamment Sidwaya, continuent à rendre compte de cette valeur scientifique, culturelle de l’Afrique qu’on a souvent eu tendance à ignorer. Par la médecine traditionnelle, nous arrivons à réaliser beaucoup de choses et elle complète la médecine moderne qui, il faut le reconnaître, est efficace, mais d’un coût qui n’est pas donné à tout le monde.

La disparition des plantes médicinales vous inquiète-elle ?

C’est certain. Il y a une plante comme « Pélèga », en mooré et « Djôrô » en dioula, très recherchée pour ses vertus anti-venin. Malheureusement qui est en train de disparaître. C’est rare de trouver un pied de cette plante où les racines n’ont pas été déterrées. Voilà une plante qu’il faut essayer de protéger, mieux, la cultiver. Aussi, une plante comme le « Wale bissim » en mooré est très efficace contre la dysenterie amibienne, mais que j’ai cherchée en vain à Ouagadougou. C’est le cas également de « Wale touko » en mooré. Il est efficace pour dissoudre les calculs biliaires. Il a des propriétés vraiment intéressantes, qui sont très recherchées. Le « Wale touko » est beaucoup exporté vers la France et d’autres pays. Mais il faut les cultiver, sinon ils vont disparaître totalement et c’est nous qui perdons. Chacun dans sa cour devrait avoir quelques plantes médicinales de ce type, réputées et confirmées par les pharmacopées de l’Union africaine et de la pharmacopée française. Il faut vraiment s’inquiéter de leur disparition.

B.S.

Les lauréats du prix de monsieur le ministre de la Santé

L’Association des tradipraticiens du Centre-Nord : une attestation, plus 150 000 FCFA

L’Association des tradipraticiens et herboristes de la province de Houet : une attestation, plus 150 000 FCFA

L’Association jardin du monde, basée à Koudougou : une attestation, plus 150 000 FCFA

Lauréats du Prix Théophile Kamanga Ouédraogo

Abdoul Wahab Nombré, Radio municipale : une attestation, plus 150 000 FCFA

Angélina Zoma, Radio nationale : une attestation, plus 150 000 FCFA

Boureima Sanga, Editions Sidwaya : une attestation, plus 150 000 FCFA

Lu sur New Africa http://www.newafrika.org