Arc en rêve, centre d’architecture à Bordeaux, porte bien son nom avec l’exposition “Bridging the gap“ des œuvres réalisées par l’architecte du Burkinabé, Diébédo Francis Kéré. (http://www.kerearchitecture.com )
En conférence le jeudi 13 Décembre 2012 à Bordeaux, il fut longuement applaudi par un public bordelais venu très nombreux.L’homme a le sens du théâtre, n’a pas son pareil pour émouvoir son public et conter l’histoire de son village Gando, aujourd’hui mondialement connue des revues d’architecture.
80% de la population du Burkina Faso est analphabète, explique-il. Né en 1965, fils d’un chef de village, il aura le privilège d’aller à l’école, En fait d’école, des cabanons avec des toits en tôle ondulée ou il fait très chaud l’été, les classes sont surpeuplées, il explique y avoir trouvé sa vocation de construire une école digne de ce nom pour son village. La bas règne l’autosuffisance, on copie inlassablement ce qui a déjà été fait, même si la saison des pluies ruine en quelques heures un travail mille fois répétés. Sans argent pas question d’entretenir, ni le temps d’imaginer autre chose. Les rêves s’arrêtent alors à vouloir imiter ce que fait l’occident.
Il fait des études de charpentier, puis est recruté par une ONG allemande BMZ, ce qui lui permet d’obtenir une bourse pour poursuivre des études secondaires en Allemagne, puis s’inscrire en architecture. Il y apprend les principes d’éco-construction, et fonde une association pour récolter des fonds. Rentré au Burkina Faso, il doit d’abord gagner la confiance de son propre village, bousculer les certitudes. Sans argent mais pas sans bonne volonté, une fois qu’un projet est accepté par le chef du village, tous le village vient y participer.
Ici pratiquement pas d’argent pour acheter des matériaux, pas de moyen de transport, tous les matériaux doivent provenir de moins de 600 mètres du lieu de construction. Alors cela sera la terre, matériau jugé archaïque, localement, au profit de ce qui se fait en Europe et particulièrement en France. L’homme est un conteur et saura encore convaincre son village, mais pas n’importe quelle terre, la saison des pluies ravine le sol laissant découvrir la latérite, terre stérile mais facilement modulable doté d’une machine manuelle à fabriquer des briques de terre, l’ouvrage peut commencer avec ce matériau ici inépuisable et gratuit, mais fastidieux à préparer.
Un large toit protège les murs de terre, et surtout, surélevé des murs, par une fine ossature en fer à béton soudé, permet la circulation de l’air et ainsi ventile naturellement les volumes intérieurs. La première école prend forme, et tient parfaitement debout, mais à cela s’ajoute une justesse formelle, particulièrement émouvante ici, avec si peu de moyens.
« Il n’y a pas d’innovation si vous faites ce que l’on vous dit de faire. », D. Francis Kéré
Une fois finie cette première école, s’ensuit des logements pour les enseignants, puis une extension, puis les commandes s’enchaînent. Diébédo Francis Kéré ne reste cependant pas dans son village mais installe son agence à Berlin, et se retrouve aujourd’hui entouré de neuf personnes.
Remarqué, il va enchainer les reconnaissances internationales dont ; l’aga Khan Award for architecture en 2004, le Global Award for sustainable architecture en 2009, le Global Holcim Award 2012 Gold, et d’autres. Il enseigne à Harvard et passe son temps dans les avions comme une star de l’architecture mais sans en avoir les moyens.
Les besoins sont immenses, Il n’est qu’une goutte d’eau dans un océan d’urgences insatisfaites, d’où le titre de l’exposition “ Bridging the Gap “, jeter un pont. Il a ouvert le champ des possibles, mais son rêve maintenant c’est que la transmission de ce savoir-faire qu’il a inventé, aille aux futurs architectes du Burkina Faso. Mais ici, pas d’écoles d’architecture, c’est un mirage encore inaccessible. La tâche qu’il a réalisé est immense, mais celle qui reste à faire l’est encore plus. Emouvant !
Source : archicool.com – Photos © archicool & F.kéré
Lu sur http://afrikarchi.com