D’origine sénégalaise, Rougui Dia est l’une des rares femmes chef cuisinier en France qui officie dans un restaurant de gastronomie française et de tradition russe. Parcours d’une jeune femme moderne et déterminée.
« Il faut en vouloir et ne pas se décourager pour évoluer dans ce milieu », affirme le nouveau chef du restaurant Petrossian, avec beaucoup de modestie. Et pourtant, Rougui Dia n’aimait pas cuisiner au départ et se destinait plutôt à la couture ou à l’armée, carrières qu’elle a envisagées un moment et oubliées très vite. Tout commence lorsqu’un jour, encore adolescente, elle doit préparer un plat familial peulh, une sauce à base d’épinards, qui s’avère être un véritable succès. L’expérience culinaire la détermine à entrer à l’école hôtelière de Villepinte (région parisienne) pour apprendre les bases des métiers de la table.
Après deux CAP (Certificat d’aptitudes professionnelles) en cuisine et un BEP (Brevet d’études professionnelles) de service en salle, elle connaît les premières difficultés : trouver une entreprise qui veuille bien la recruter. Loin de se décourager et en attendant d’accéder à des fonctions de responsabilité, Rougui fait du service en salle, puis entre en cuisine en tant que commis. En 2001, elle est engagée chez Petrossian et occupe les places de second de cuisine, puis de chef de partie, notamment auprès de Phillipe Conticini, chef pâtissier reconnu dans la profession. Ce qui laisse présager du talent de la jeune femme. Elle excelle donc, sans perdre de vue son objectif : évoluer. La rencontre avec le chef Sébastien Faré sera déterminante pour sa carrière. En Avril 2005, il la nomme à son tour Chef de cuisine, lui confiant ainsi les rênes d’une équipe de huit à neuf personnes.
Une cuisine riche et métissée
Tout en respectant la tradition de la maison Petrossian, Rougui Dia aime innover, toujours à l’affût d’une cuisine ouverte sur le monde. Les spécialités qu’elle cuisine le sont principalement à base de poisson. Dans la boutique juste en bas du restaurant, on trouve plusieurs variétés de caviar russe, de saumon fumé et bien d’autres produits fins. Si l’œuf Petrossian est l’une des recettes phares de la maison, Rougui a eu à relever un défi lors du dernier réveillon, en composant un dîner d’exception à base d’agneau, auquel elle a ajouté des bananes plantains en accompagnement, faisant ainsi un petit clin d’œil à ses origines africaines.
S’il est passionnant, le métier de chef reste exigeant tant au niveau des horaires que de l’investissement physique. Rougui l’admet volontiers, non sans une petite lueur d’excitation dans le regard. Il faut sans cesse créer, trouver des produits rares, de nouvelles alliances, rehausser le goût d’un poisson, lui garder toute sa saveur et son moelleux. La cuisson devient alors un art et le résultat doit éblouir… Le midi, Mme Petrossian vient parfois goûter les plats confectionnés par Rougui et son équipe, pour l’évaluer et donner un avis.
Une cuisine métissée
C’est un travail enrichissant et Rougui s’entend très bien avec ses collègues, pour la plupart rencontrés sur les bancs de l’école et lors de son parcours professionnel. Quant aux clients du restaurant, ils ne demandent qu’à goûter aux nouveaux plats du Chef. Des plats toujours plus épicés, expression de cette recherche constante du mélange des saveurs, la cuisine sénégalaise, indienne ou antillaise, influençant sans conteste le travail de Rougui. Et c’est sans doute ce qui a plu à ses patrons.
Quant on lui demande quelles sont les qualités pour devenir chef, Rougui Dia répond qu’elle estime avoir eu beaucoup de chance et que c’est grâce aux bonnes rencontres qu’elle est là aujourd’hui. D’abord Phillipe Conticini, qui lui a fait confiance et apporté son expérience, puis Sébastien Faré, sans oublier le couple Petrossian, « soucieux d’amener la maison vers de nouveaux horizons culinaires ». Son exemple, espère-t-elle, ouvrira des portes à d’autres jeunes femmes africaines, désireuses de faire ce métier. Et avec un sourire timide, Rougui Dia retourne à ses plats tout en répondant aux nombreuses sollicitations et consciente de l’attention qui lui est faîte. A bientôt trente ans, elle veut continuer de mériter la confiance de ses patrons et impressionner…
Lu sur Afrik.com