SENEGAL-GOUVERNEMENT-PORTRAIT
Dakar, 4 avr (APS) – L’artiste-musicien et homme d’affaires Youssou Ndour, 52 ans, nommé mercredi ministre de la Culture et du Tourisme, confirme ainsi son ancrage en politique, après avoir réussi à bâtir un groupe de médias comprenant un quotidien (L’Observateur), une radio (RFM) et une télévision (TFM).
Cette nomination de l’auteur-compositeur peut être considérée comme une récompense après le soutien actif qu’il a apporté à Macky Sall, élu président de la République le 25 mars dernier. Il avait mis entre parenthèse ses activités musicales pour briguer le suffrage de ses compatriotes, ne reprenant le micro que lundi dernier pour fêter la victoire de Sall.
Leader du mouvement citoyen ‘’Fekke Maci Boole’’, Youssou Ndour, dont la candidature à la Présidence de la République avait été rejetée par le Conseil constitutionnel en janvier dernier, s’était fortement impliqué dans la campane de l’opposition et du Mouvement du 23-Juin (M23) contre une candidature d’Abdoulaye Wade.
L’homme est surtout connu pour sa carrière en musique, une activité artistique qu’il a commencée à l’âge de 12 ans. Dans ce domaine, il avait conquis le monde, obtenant notamment le Grammy Award de ‘’Meilleur album World Music’’— pour son disque ‘’Egypt’’. Il venait là de ‘’boucler la boucle’’ des distinctions dont tout musicien peut rêver.
Youssou Ndour est à ce jour le seul Sénégalais, un des rares Africains avec le Malien Ali Farka Touré, la Béninoise Angélique Kidjo et la Capverdienne Cesaria Evora (2004) à remporter un tel prix.
L’enfant de la Médina, quartier populaire de Dakar où il est né le 1-er octobre 1959, a été initié par sa grand-mère aux traditions des griots sénégalais dont il descend du côté maternel. Mame Marie Sène ne savait pas alors que bien des années plus tard, ‘’You’’, comme l’appellent ses fans, deviendrait une star reconnue de la chanson mondiale.
Il est loin le temps où, Elimane, son père rêve pour lui d’un métier ‘’noble’’ comme avocat ou médecin. Inscrit à l’Ecole des Arts de Dakar, il déserte les bancs au bout de deux ans pour vivre sa passion. Le jeune chanteur rejoint le Diamono, puis le Star Band d’Ibra Kassé, ‘’père’’ de la musique moderne sénégalaise. Il y chante la pachanga et le cha-cha-cha, rythmes afro-cubains alors en vogue.
A 17 ans, il met sur pied son propre orchestre, l’Etoile de Dakar. Lui et ses amis s’adonnent à un mélange de rythmes traditionnels et d’instruments modernes. C’est l’époque de ‘’Xaliss’’, son premier succès local. En 1981, il restructure son groupe, surnommé depuis lors Super Etoile de Dakar.
L’artiste a aussi collaboré avec Paul Simon sur l’opus ‘’Graceland’’, Wyclef Jean (ex-Fugees) qui assure la production de plusieurs titres de l’album ‘’Joko’’ et enrichit le musicien des influences hip-hop et reggae.
Le Grammy Awards obtenu en février 2005 était venu s’ajouter à une pile de distinctions aussi prestigieuses les unes que les autres. En 1994, après l’album ‘’Wommat’’, vendu à des millions d’exemplaires, il obtient plusieurs disques d’or en Europe. Cet album contient le single Seven Seconds, chanté avec Nenneh Cherry, qui décroche le MTV Award de la meilleure chanson de l’année.
Le deuxième disque d’or — le titre ‘’Animé’’ interprété avec l’Italien Massimo Di Cataldo — n’est pas un événement pour Youssou Ndour qui estime cela s’inscrivait dans le cours normal des choses. Le prestige du chanteur était déjà grand. Il avait d’ailleurs été sollicité pour le parrainage d’actions de type humanitaire.
L’arrivée de Youssou Ndour sur la scène internationale s’effectue en 1985, quand l’Anglais Peter Gabriel l’invite en studio pendant l’enregistrement de son album ‘’So’’. Il lui offre la première partie de sa tournée en 1987 et l’emmène avec lui pour la tournée mondiale d’Amnesty International en 1988, aux côtés de Sting et Bruce Springsteen.
Ambassadeur de l’Unicef depuis 1993, il se fait le défenseur des causes humanitaires, le porte-parole de l’Afrique. Ainsi, il demande l’annulation de la dette de l’Afrique, lors de la cérémonie des 15-ème Victoires de la Musique à Paris en mars 2000, apportant son soutien à l’association Jubilee 2000 créée par Bono et dont il fait partie.
En 1995, il investit ainsi les royalties de ‘’Wommat’’ pour créer sa propre maison de disques, Jololi et un studio d’enregistrement ultramoderne, Xippi, afin d’aider les musiciens africains à se faire connaître. Devenu un businessman averti, il règne aussi sur une société de communication (qui détient un journal et une radio), une usine de duplication de cassettes du pays.
Les récompenses et honneurs n’ont pas cessé de tomber pour autant : meilleur artiste africain aux Kora Awards (1996), chanson officielle de la Coupe du monde 1998 —, ‘’artiste africain du siècle’’ du magazine Folk Roots (1999), Prix international de la musique de l’UNESCO (2004), introduction de son nom dans le Larousse illustré (2005)…
Très attaché à sa ville natale, il choisit de rester à Dakar alors que tant d’autres en sont partis. Il préfère se battre chez lui pour, dit-il, ‘’rendre’’ ce que son pays lui a donné depuis ses débuts dans la très populaire Médina, réputée pour ses night-clubs et ses bals populaires.
C’est là que Youssou Ndour a forgé sa voix dans les kassak (cérémonie collective et initiatique pour les circoncis) avant de confronter son art à d’autres rythmes pour donner une riche discographie.
Au plan international, il a sorti les disques ‘’The Lion’’ (1989), ‘’Set’’ (1990), ‘’Eyes Open’’ (1992), ‘’Wommat’’ (1994), ‘’Joko’’ (2000), ‘’Nothing’s In Vain’’ (2002), ‘’Egypt’’ (2004), ‘’Rokku mi rokka’’ (2007) et ‘’Dakar-Kingston’’ (2010).
ADC/BK
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