Pour une première rencontre, ce samedi au Monument de la renaissance, les rendez-vous de l’Afrique consciente ont jeté leur dévolu sur le thème du numérique : le public néophyte a pu découvrir les notions à la mode : bibliothèques numériques, souveraineté numérique, et diplomatie digitale mais surtout apprendre à mieux disposer du net.

L’Afrique continent de l’oralité a du mal à se défaire de ses vieilles habitudes. A l’heure où  le monde est hyper connecté sur ses gadgets haute définition, l’Afrique est à la traîne. C’est en tout cas ce qu’on est porté de croire à la lueur de l’intervention de Mame Hulo sur l’édition numérique. «Les Dias­poras noires ne vendent pratiquement pas de livre numérique en Afrique. Les Africains sont très méfiants par rapport au payement bancaire sur le net.» Pourtant Mame Hulo trouve que l’édition numérique est un outil important surtout en ce qui concerne la sauvegarde du patrimoine livresque des Africains. «Il y a un avantage avec l’édition numérique, nos bibliothèques ne brûleront plus. Les E-book battront les records de longévité. Et vous permettent en outre un gain d’espace», soutient-elle. Mame Hulo avoue tout de même son incapacité à se départir des vieilles habitudes : «N’espérer pas vous débarrasser des livres en papier. Même moi je ne peux m’en passer. Il  m’arrive d’en faire à la demande de mes clients», confie-t-elle. Pour la directrice des éditions Diasporas noires, la recette miracle consiste alors à combiner les deux : édition numérique et édition papier.
Aboubacry Sadith Ndiaye trouve de même qu’il faut allier action sur le terrain et combat sur la toile, pour atteindre la gouvernance propre et vertueuse à laquelle toute l’Afrique aspire. Pour M. Ndiaye, l’espace numérique est un bon moyen de préserver la démocratie. Dans certains pays notamment, la pratique de cyber-activisme a révélé toute sa splendeur, a-t-il expliqué. «Le printemps arabe en est un exemple. C’est pourquoi  la presse classique autant celle en ligne en revendique la paternité», a-t-il rappelé, mentionnant que ce cyber-activisme s’est aussi récemment déployé avec le taxi qui a emprunté le passage piéton au Sénégal. «C’est grâce aux tweets et aux partages sur facebook que lumière a pu être faite sur cette affaire», remarque-t-il. Pour le cyber-activiste, tout cela est bien beau et bien vrai, mais il faut toutefois être responsable et avoir la tête sur les épaules pour porter cette responsabilité.

Patriotisme numérique
«Internet est devenu une arme mais il faut savoir comment l’utiliser», affirme encore Aboubacry Sadith Ndiaye. Pour lui, la diplomatie digitale, qui essaie coûte que coûte de contrôler et d’utiliser les mouvements citoyens pour véhiculer des idées et influencer certains groupes, est un écueil  à dévier. «Les leaders virtuels doivent éviter d’être utilisés pour des combats, qui en réalité n’en sont pas. Ils doivent, avant de publier toute information, bien la vérifier», dit-il, avouant que c’est en cela que les notions de confiance et de sécurité prendront tout leur sens. «A la direction de la Protection des données personnelles nous recevons plusieurs plaintes. La cybercriminalité est très répandue», informe de son côté, le juriste Mohamed Diop. Si aujourd’hui à l’échelle nationale cette direction doit faire face aux hackers, et brouteurs au plan international, ce sont surtout autour des notions de souveraineté numérique et d’espionnage que le débat est axé. «Les réseaux so­ciaux ne sont pas toujours gratuits. C’est grâce aux données personnelles que nous laissons sur le net que nous recevons des publicités ciblées», révèle M. Diop. Il soutient ainsi qu’il faudrait développer un patriotisme numérique pour se soustraire à des pratiques de ce genre. «L’espionnage numérique touche aujourd’hui de grandes puissances. Moi je préfère être espionné par mon Etat que de l’être par un autre», a déclaré le juriste, non sans réclamer un cadre juridique réglementaire efficace pour une utilisation sécurisée du net.
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