Ndatté Yalla et la stratégie de conquête du pouvoir

« Ce pays est à moi seule ! »

Linguère NDatté Yalla est la seule femme au pouvoir, de l’époque précoloniale, dont nous disposons de l’image. Elle a exercé le pouvoir comme un véritable BRACK (nom donné au souverain du Royaume du Waalo) en s’appropriant tous les attributs. C’est ainsi qu’elle fut prise par Abbé David Boilat le 2 septembre 1850,  fumant sa pipe d’honneur, entourée, de plus cinq cent femmes en grande tenue, en face desquelles se trouvaient tous les princes et les guerriers de la Reine. Mais si nous l’avons choisie comme symbole du site sur l’égalité et l’équité de genre au Sénégal c’est parce que l’histoire de la dernière souveraine du Royaume du Waalo est riche d’enseignement et nous montre comment dans le Sénégal du 19 eme siècle, des femmes qui étaient à la fois stratèges, combattantes et nationalistes, ont pu accéder au pouvoir.

Déjà au 12 ème siècle, huit femmes ont présidé successivement aux destinées de ce royaume (Cf Histoire du Waalo de Boubacar Barry, publié chez Kartala, 1985). Les femmes étaient aussi des guerrières et savaient défendre le Royaume même en l’absence des hommes comme l’attestent les évènements de Nder.

En effet, le mardi 7 mars 1820, le Brack était absent de son territoire et l’ennemi Maure en profita pour attaquer la capitale. Surpris de la forte riposte des femmes déguisées en hommes, les assaillants se replièrent. Mais les femmes crièrent victoire très tôt ; et en ôtant leurs turbans elles dévoilèrent leur féminité. Les maures dans un sursaut d’orgueil mâle revinrent à l’attaque et finalement eurent raison de ces braves guerrières. La Linguère Fatim Yamar Khouryaye Mbodj qui avait organisé la résistance a préféré se brûler vive avec plusieurs de ses compagnes, préférant la mort à l’esclavage. Mais en décidant de faire échapper ses deux filles, Dieumbeut Mbodj et Ndaté Yalla, pour disait-elle perpétuer la lignée, elle avait pris un acte de haute portée politique. En effet ces dernières finiront par diriger le Royaume. En fines stratèges, elles avaient réussi à influencer le collège des électeurs. Selon les archives coloniales, elles ont offert pendant les 3 jours que durèrent les consultations 1500F de l’époque. La tradition orale nous précise qu’elles ont offert des repas princiers et un kilo d’or par jour. Elles ont fait élire leur cousin Mambodj Malick, dernier Brack du Waalo mais presque inconnu des sénégalais. Ce sont les deux sœurs Ndjeumbeut et Ndaté Yalla qui dirigeaient réellement le royaume.

C’est d’abord Ndjeumbeut qui accédera au pouvoir en 1840. Son règne est marqué par la volonté de donner un répit à son peuple agressé de toute part par les voisins Maures et Toucouleurs. Son mariage avec le Roi maure du Trazza Mohamed El Habib, quelques années auparavant, au-delà des diverses interprétations parfois tendancieuses, avait pour but de sauver son peuple face aux multiples agressions des voisins Toucouleurs et Maures.

Dernière souveraine du Waloo, la Linguére , Ndatté Yalla Mbodj accédera au trône le 1 er octobre 1846, à la mort de sa grande sœur. Son règne sera marqué par une défiance permanente des Français contre lesquels elle a livré une bataille acharnée . Elle s’opposa à Faidherbe en revendiquant la possession de l’île de Sor (actuelle ville de St Louis) que le Gouverneur voulait annexer, elle refusa le libre passage sur son territoir des Sarakolés qui ravitaillaient l’ile de St Louis en Bétail. Ses troupes seront finalement battues le 25 Février 1855 par les forces coloniales.

Après sa victoire, Faidherbe emmena son fils Sydya, âgé de dix ans, à Saint-Louis où il sera scolarisé à l’école des otages et sera envoyé au lycée impérial d’Alger en 1861. En 1863, il demanda à revenir au Sénégal où, il poursuivit pendant quelques mois les cours de l’école des frères. Il fût baptisé et eut pour parrain Faidherbe qui lui donna le prénom Léon.

En 1865, âgé de 17 ans, la Colonie lui confia le commandement du canton de NDER, mais Il ne tardera pas à refuser d’être un relais docile de cette administration et finira par la défier.

Devant une grande assemblée de dignitaires et de son peuple, il sacrifia à la tradition des Brack. Après s’être débarrassé de ses habits européens, il prit le bain rituel dans les eaux du fleuve, se rhabilla en tenues traditionnelles et jura de ne plus jamais parler la langue du colonisateur. Ensuite il se fit faire des tresses de Thiédo (actuels dread locks) marquant le symbole de son appartenance sociale.

En novembre 1869, SIDIYA dirigea une insurrection générale contre les français et fit subir de lourdes pertes aux troupes coloniales. Mais l’administration coloniale ne cessa de le traquer. Arrivé chez Lat Dior pour la concrétisation d’un front de libération national, il fut trahi par ses guerriers qui le livrèrent au Gouverneur Valère à Saint-Louis le 25 décembre 1875. Il sera déporté au Gabon en 1876 où il mourut en 1878 à l’âge de 30 ans.

Pour être Sidiya, il fallait avoir comme mère la Reine Ndatté Yala

Quand nous parlons d’égalité des sexes et de conquête du pouvoir c’est de notre propre histoire que nous tirons nos références.

Le Waloo du 19 ème siècle était sans aucun doute plus ouvert et plus favorable aux femmes, les rapports sociaux entre les sexes y étaient plus égalitaires que dans le Sénégal du 21 ème siècle. Nous avons encore beaucoup à apprendre de cet espace socio-culturel et surtout de l’histoire de ces femmes au pouvoir, surtout nous avons beaucoup à partager avec le reste du monde.

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Sources documentaires

Mamadou DIOUF(1990) Pouvoir Ceddo et conquête. Paris Edition Karthala, 1990.

Boubacar BARRY (1985) Le royaume du Waalo : Le Sénégal avant la conquête. Paris, Edition Kharthala.

El Hadj Amadou Sèye (2003) Walo Brack. Dakar, Les Edition Maguilen.

Ckeikh Niang Griot du Waalo

Abbé David Boilat (1853 et 1984) Esquisse Sénégalaise. Paris Editions Karthala.