Séverin Kezeu est Camerounais. Ingénieur et docteur en sciences informatiques industrielles, il est l’inventeur d’un système anticollision appelé Navigator. Un concept révolutionnaire.
Interview donnée au journal du Cameroun
Source : journalducameroun.com
Par Idriss Linge – 27/05/2010
L’expertise et l’expérience de ce Camerounais d’origine sont un atout pour les nombreux jeunes de la diaspora en quête d’exemple. Il a réussi à imposer son intelligence et sa persévérance
Pour ceux qui ne vous connaissent pas, qui est Séverin Kezeu
Je suis docteur ingénieur en sciences informatiques industrielles et expert en technologie embarquée et robotique, inventeur du système Navigator, système Anti-collision universel pour tout type de d’engin mobile : avion, car, bateau, train, grue, robot … Je suis le fondateur et président de SK Group, société française depuis 1998 dont la direction internationale et stratégique est maintenant à Dubaï Internet City. Nous sommes le leader mondial en matière de logiciel anti-collision 3D pour tout type de mobile.
Beaucoup dans l’univers des technologies vous considèrent comme l’inventeur du système anti-collision, au-delà de la controverse qu’il y a eu autour, comment a germé une telle idée en vous ? Mes travaux de thèse au sein de l’INRIA (Institut national de recherche en informatique et en automatique) en 1990 consistaient à développer un système anti-collision afin d’envoyer des robots pour des opérations de soudure à 200 mètres sous terre au cœur d’un réacteur nucléaire. J’ai donc pu constater que bien qu’il existait de nombreux systèmes anti-collision, ils étaient tous conçu par une approche verticale, c’est-à-dire de façon heuristique par des spécialistes de chaque domaine. Ainsi les professionnels de la grue par exemple vont développer un système pour les grues, ceux de l’automobile un pour les voitures. L’inconvénient de cette approche métier basé sur l’expérience est que l’on obtient des systèmes qui ne s’adaptent qu’à un type donné de mobile d’une part et surtout non optimums : présence de fausses alertes, certains cas de risque non traités.
Ainsi, il n’est pas possible d’éviter une collision entre un train sur un passage à niveau et une voiture, ou une grue à tour de chantier et un camion, ou encore un avion et un véhicule utilitaire sur le tarmac d’aéroport. J’ai donc compris que pour résoudre la problématique de collision dans la globalité et de façon optimale, il fallait s’intéresser au mobile en tant qu’objet intrinsèque et quelconque. J’ai ainsi développé une théorie mathématique qui permet de calculer de façon formelle le risque de collision entre un nombre illimité de mobiles de nature hétérogène.
Au début des années 90, grâce à l’avènement des technologies informatiques dites « orientées objets », à « l’intelligence artificielle » et aux « architectures de réseaux distribués de type client/serveur », ma nouvelle théorie m’a permis d’inventer le système Navigator, système anti-collision universel s’adaptant à tout type de mobiles mêmes lorsqu’ils sont de natures hétérogènes. Ce système m’a valu en 1991 le premier prix national français de l’invention et de l’innovation. En résumé, tous les systèmes concurrents sont électromécaniques et donc « limités » tandis que Navigator est le seul système « universel et intelligent » basé sur l’informatique embarquée par un ordinateur de bord.
Parlez-nous de ce système anti-collusion en trois dimensions qui connait aujourd’hui un tel grand succès
Mon invention s’est élargie à un nouveau concept global de sécurité et de productivité intégrés au sein d’une plateforme technologique logicielle appelée Navigator : « Global Safety Mobile Management ». Cette technologie consiste à doter un mobile d’une certaine forme d’intelligence artificielle lui permettant d’éviter automatiquement tout risque de collision, d’accident et d’intrusion avec son environnement composé de mobiles hétérogènes, d’obstacles en mouvement et de zones interdites programmables et d’optimiser sa productivité et sa maintenance.
vous êtes longtemps resté en France et aujourd’hui le SK group s’est installé à Dubaï, dans les Émirats, pourquoi ce choix de délocalisation ?
Il ne s’agit pas d’une délocalisation mais d’une internationalisation de nos activités. Il faut savoir que le premier domaine d’application de ma technologie fut les grues de chantiers. Dubaï avec 25% des grues de la planète était incontournable pour notre développement. C’est ainsi qu’en 2007, j’ai pris la décision de nommer un directeur SK Group France et de m’expatrier avec ma famille à Dubaï afin de conquérir ce marché colossal.
Le succès a été immédiat car nous sommes aujourd’hui numéro un dans le Golfe avec une part de marché de plus de 90%, et sommes désormais présents sur plusieurs continents : SK Solutions Dubaï, SK Abu Dhabi, SK Saudi Arabia, SK China, SK USA, SK UK, SK France. Valorisation totale du groupe : 100 millions de dollars.
En qualité d’inventeur camerounais mais dont l’invention est brevetée en France, est-ce-que vous vous considérez comme une des composantes de la fuite des cerveaux dont est victime le Cameroun ? Oui et non. Je suis un pur produit du système scolaire primaire et secondaire du Cameroun que j’ai excellemment validé par un baccalauréat C. Après avoir demandé en vain une bourse d’étude à mon pays le Cameroun, j’ai été obligé de perdre une année scolaire en m’inscrivant en première année d’université à Yaoundé en filière Mathématiques Informatique que j’ai validé brillamment en tant que major de promotion.
N’ayant toujours pas pu obtenir de bourse d’étude à l’étranger, mes parents ont réussi à m’envoyer poursuivre mes études en France à l’âge de 19 ans, où j’ai effectué toutes mes études supérieures : classes préparatoires, école polytechniques et doctorat.
Suite à l’obtention du premier prix national français de l’invention et de l’innovation, la France me propose la nationalité Française que j’accepte. J’obtiens alors la double nationalité camerounaise et française. Après plusieurs années de parcours du combattant dans les méandres de l’entrepreneuriat, ma technologie est aujourd’hui labellisée technologie clé française N°43 par le ministère français de l’industrie et adoptée par le ministère de la défense pour les applications militaires en particulier par la marine française. Aujourd’hui à 42 ans, j’en ai passé 19 ans au Cameroun et 23 en France. Vous comprendrez aisément qu’avec mon parcours je ne me sente pas totalement comme une composante de la fuite des cerveaux dont est victime le Cameroun.
On se souvient qu’en 2006, dans le cadre d’une interview, vous avez émis l’hypothèse de développer une de vos activités au Cameroun, notament dans la téléphonie, visiblement vous y avez renoncé, pourquoi ?
Notre projet d’implantation au Cameroun a tout simplement été différé. Nous sommes actuellement en cours d’élaboration d’un projet d’implantation au Cameroun. Ce projet permettra la valorisation à l’échelle mondiale du génie créatif camerounais.
Que pensez-vous du nouvel environnement des affaires au Cameroun, vu que vous pouvez en profiter en qualité d’investisseur étranger. Pour rappel l’état expérimente un système de création d’entreprise en trois jours, et est presque passé sur le régime de la déclaration ? J’observe avec beaucoup d’attention cette évolution. Dans le cadre de notre expansion à l’échelle internationale, nous sommes très attentifs au contexte politique, socioéconomique et fiscal du pays dans lequel nous investissons. Bien que mon cœur soit à Yaoundé, ma ville natale, je reste très pragmatique dans ma démarche.
On sait que vous aimez beaucoup le Cameroun, envisagez-vous de vous y installer un jour définitivement ?
Bien évidemment mon cœur est au Cameroun. Par contre dans ce contexte de mondialisation, je me sens citoyen du monde et suis prêt à m’expatrier chaque fois que c’est nécessaire afin d’être au cœur des régions du globe à forte croissance et à fort besoin de mon invention.
Source : Africamaat