D’abord une rumeur, puis une vague annonce il y a quelques mois et enfin le voile s’est levé sur la Way-C, une tablette venue du Congo-Brazzaville, du moins dans sa conception. Lancée officiellement vendredi dernier 27 janvier 2012, cette tablette tactile sous Android est l’œuvre de Vérone Mankou, jeune entrepreneur-ingénieur congolais.
Fils d’une institutrice et d’un ingénieur, Vérone Mankou ne déboule pas en opportuniste. Conseiller du Ministre congolais aux Postes et Télécommunication en qualité de spécialiste en nouvelles technologies de communication, il pétrie l’idée de sa tablette depuis 2007.

vmk mankou
La Way-C n’a pas forcément des initiales faciles à porter, mais le dialecte kituba (majoritaire au Congo-Brazzaville) lui apporte la signification de Lumière des Étoiles. Pour beaucoup, le projet de VMK pourrait ouvrir de larges portes au réseau au sein du Congo-Brazzaville mais aussi partout en Afrique de l’Ouest, où le web n’a pu se développer comme en Europe (cuivre, câble, fibre). Quasi seule perspective aujourd’hui : les airs, le Wi-Fi et la 3G.
Et si le premier modèle de VMK est seulement Wi-Fi, son lancement est associé à un opérateur africain pour utiliser de nombreux hotspots 3G/Wi-Fi à travers le territoire.

Pour rappelle, la Way-C est commercialisée depuis peu au tarif de 150 000 francs CFA (228 euros). C’est une tablette de 7 pouces à écran tactile capacitif avec Android 2.3 Gingerbread, processeur Cortex A8 1,2 GHz, 512 Mo et 4 Go de stockage (+32 Go via une carte microSD). En sus de l’Android Market, la Way-C intègre le VMK Market qui met en avant de nombreuses applications conçues par des développeurs africains.

vmk way-c
Nous avons pu échanger quelque peu avec Vérone Mankou, créateur de VMK et concepteur dans les grandes lignes de la Way-C. Ouvert mais surtout en phase avec un marché mondialisé, il conçoit à Brazzaville, fabrique à Shenzhen et s’apprête même à vendre au Vénézuela.

Depuis le 27 janvier, vous vous êtes officiellement lancés dans l’arène de la mobilité, tout d’abord sur un marché intérieur. Pouvez-vous nous conter la genèse de VMK et de votre premier projet, la tablette Way-C

En 2006, je travaillais chez un fournisseur d’accès internet à Brazzaville. On avait coutume de se réunir deux fois par semaine, la partie technique de l’entreprise et la partie commerciale, pour voir comment résoudre les difficultés que nous rencontrons dans la démocratisation du web.
Les commerciaux se plaignaient de la difficulté qu’ils avaient à vendre Internet, parce que les produits étaient chers et inadaptés. C’est là que m’est venue l’idée : et si on donnait l’accès à l’Internet à tout le monde à bas prix ?

Au départ, j’ai pensé passer par l’ordinateur de bureau, mais je me suis rendu compte que le problème énergétique que connait l’Afrique en général et le Congo en particulier n’arrangeait pas les choses. Ensuite j’ai pensé à l’ordinateur portable, qu’on pouvait utiliser sans le courant électrique, mais je me suis rendu compte que cela était logistiquement et techniquement un casse-tête.
Alors, en 2007, quand Steve Jobs a présenté son iPhone, je me suis dit « C’est ça que je vais faire. Je veux faire un gros iPhone, c’est-à-dire une tablette ! Dès lors j’ai commencé les recherches pour la réalisation de ce projet. En 2009, j’avais tout ce qu’il fallait, tout était là, mais il me manquait les moyens financiers donc j’ai laissé cela de côté, en attendant d’avoir les fonds pour la réalisation.

Dans notre société, nous avons conçu les planches de la structure interne et le design de la tablette. Ensuite, nous avons contracté deux accords en Chine avec des usines : l’un pour l’assemblage de la tablette et l’autre pour le PCB ou la fabrication du circuit imprimé, toujours en suivant NOS planches.
Et si la tablette sort avec Android 2.3, nous travaillons à une mise à jour prochaine vers Android 4.0. D’ailleurs, la prochaine version de la Way-C, qui devrait être lancée au second semestre 2012, sera directement disponible sous Android 4.0.

Comment se comporte le marché hi-tech en Afrique ? Existe-t-il une forte concurrence ?

Le marché  hi-tech en Afrique est en pleine croissance, je dirais même que c’est le seul marché au monde où une croissance à quatre chiffres est encore possible. Et tous les grands du secteur le savent, voilà pourquoi ils multiplient les investissements ici et regardent vers l’Afrique.
Néanmoins, l’Afrique a la spécificité d’avoir un marché très différent des autres. L’Africain, n’ayant pas un grand pouvoir d’achat, souhaite un produit de même qualité que disponible à l’occident, pour un prix très bas. Ce qui fait que tout se joue sur le rapport qualité / prix. D’autres n’ont pas compris cela, car bien qu’ils réussissent à offrir aux Africains des produits à bas prix, la qualité ne suit pas toujours.
C’est là que nous allons sortir notre épingle du jeu. Nous n’allons proposer que des produits que j’estime de très bonne qualité et à des prix très abordables. Et la route va être longue… mais sûre, car depuis la médiatisation de la tablette, nous gagnons déjà en crédibilité auprès de la majorité. Ce qui est déjà un bon début en soi.

Pour le moment le marché n’est pas trop concurrentiel en Afrique, car nous nous classons dans l’entrée de gamme, contrairement aux tablettes déjà présentes sur le marché, de grandes marques et qui, par leurs prix, sont des produits haut de gamme.

Justement, on donne un peu vite le nom de première tablette africaine à la Way-C alors que la fabrication s’effectue en Chine. Surtout quand on sait que l’une des principales matières premières (le coltan) de l’électronique vient d’Afrique. Ne pouviez-vous pas confier la production de l’appareil à une usine congolaise ou un pays limitrophe ? 

Nous avons déjà pensé depuis le début de l’aventure à monter un jour une usine d’assemblage ici, au Congo. Ce qui ferait de mon pays un exportateur de produits informatiques… une première dans la région ! Mais le projet est trop coûteux pour le moment, et sans financement extérieur. Un tel projet avoisinerait les 2 millions d’euros. C’est Mission : Impossible pour le moment !
Notez que déjà l’usine actuelle, en Chine, où est assemblée la tablette a accepté de nous assister sur un tel projet…

Mais plus tourné vers l’Afrique encore, je planche sur un nouveau projet depuis peu, qui verra peut-être le jour en 2014/2015. Il se nomme « Bilé ». Il s’agit d’une tablette tactile dédiée à l’éducation. Elle sera dotée de 2 écrans (dont un 3D sans lunettes) et elle aura la peau dure… Comprenez par là que pour la casser, il faudra être déterminé !
Je suis déjà en train de négocier l’utilisation d’un brevet avec une société américaine et « Bilé » devrait être capable de créer toute seule son énergie. Pour cela, je négocie avec une entreprise européenne pour l’utilisation d’une technologie qui va dans ce sens. Et le tout devrait coûter… 100$ !
Elle ne sera vendue qu’aux gouvernements et ONG. Le but est que partout en Afrique et pourquoi pas dans le monde, aucun élève (de 6 à 25 ans) ne puisse manquer de manuel scolaire et/ou de connaissance.

Sur le plan hardware, 50% du travail est déjà fait en termes de conception et des prototypes devraient être réalisés d’ici à la fin de l’année. Sur le plan software, en revanche… tout est à faire. Je dois d’abord trouver les fonds (près de 2 millions d’euros en tout) dont le projet aura besoin pour les 3 ans à venir. Avant logiquement de recruter assez de monde pour ce projet. Sans ça, le projet tombe à l’eau.

L’Europe, le monde… puis un smartphone 

Dépassé par une demande croissante, VMK accélère donc la manœuvre autant qu’elle le peut. Mais cet engouement n’est pas seulement l’affaire de ses territoires de prédilection pour le lancement de la Way-C (Congo et 11 autres pays d’Afrique). « Nous venons de dépasser le cap des 10.000 réservations avec plus de la moitié venues d’Europe (dont près de 3500 pour la France), nous annonce fièrement Vérone Mankou. « Et, chose inattendue, nous avons maintenant des demandes de distribution dans l’Europe de l’est, le Vietnam, l’inde, et l’Amérique centrale ».

L’ambition du jeune entrepreneur ne s’arrête pas à la tablette — et ses déjà programmées déclinaisons futures — puisque la Way-C est suivie de près par un smartphone, qui voit sa date de lancement annoncée pour mars prochain.
Son nom de code « BX1 » et son look ne s’approche pas d’une vieille Citroën mais d’un AndroPhone au revêtement proche de celui de la tablette. Vérone Mankou le décrit comme un produit doté de « la puissance d’un iPhone 3GS, avec un écran de meilleur qualité et un prix très, très, abordable. »

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