Quel est le point commun entre la lampe électrique, la capsule pour bouteilles et bocaux, l’ascenseur, la machine à dactylographier, le stylo à encre, le batteur à œufs, la tondeuse à gazon, l’appareil de respiration… ? Toutes ces inventions ont toutes été inventées ou co-inventées par des noirs… aux Etats-Unis. Pourtant, les débats autour du sous-développement de l’Afrique réduisent celui-ci à un phénomène culturel voire… génétique. Dans une analyse très stimulante, Youcef Maouchi, analyste sur unmondelibre.org, nous explique que le retard accusé par l’Afrique est à la base un problème institutionnel. Les comportements des individus sont très largement dépendants des institutions formelles. C’est-à-dire les règles économiques et juridiques claires, en vigueur dans un pays, qui posent le cadre des incitations à la production, à l’échange, au partage.

L’un des arguments qui tend à revenir dans les débats autour du sous-développement de l’Afrique est celui qui réduit le sous-développement à un phénomène culturel voire… génétique. L’Afrique serait ainsi vouée à rester sous-développée et dépendre des pays développés. Selon cet argument, si les Africains n’arrivent pas à se développer c’est qu’ils n’ont ni la culture ni le gène de l’esprit d’entreprise, de l’initiative ou de la créativité. Cette dévalorisation est même parfois rabâchée dans des cercles universitaires africains, justifiant nombre de politiques paternalistes.

Pourtant la vérité semble – heureusement – ailleurs. Si l’on cherche le point commun entre la lampe électrique, la capsule pour bouteilles et bocaux, l’ascenseur, la machine à dactylographier, le stylo à encre, le batteur à œufs, la tondeuse à gazon, l’appareil de respiration que trouve-t-on… ? Que ces inventions, qui aujourd’hui font partie de notre quotidien et qui l’ont révolutionné, ont toutes été inventées ou co-inventées par des noirs… aux Etats-Unis.

Il y a déjà plus d’un siècle, entre 1890 et 1900, ont été aussi brevetés par des noirs américains : le Commutateur pour voie ferrée, le moteur rotatif, la table à vapeur, le taille-crayon, l’attelage de voitures, le piano mécanique, le tampon à main, le bain d’impression photographique, le moule à glace, les feux de signalisation, la table à repasser, l’arrosoir de pelouse, la moissonneuse, le dirigeable….etc. Là encore ces inventeurs ont changé la vie de millions de gens depuis plus d’un siècle.

Les noirs n’ont pas l’esprit créatif ? Ils ne peuvent pas faire preuve d’initiative ? Certes, ces hommes et ces femmes à la source des inventions précédentes étaient Américains, mais avec du sang africain dans les veines : il devient alors difficile de croire que les noirs n’ont, presque « par définition », pas l’esprit d’initiative. C’est d’ailleurs tout le contraire qui se dégage de cette liste. Le président de la première puissance du monde a lui aussi du sang africain dans les veines !

Pour mieux comprendre ce phénomène, avant de chercher dans les variables culturelles ou génétiques, nous devons nous tourner vers le terreau institutionnel qui est à la base du développement d’une société. Des hommes et des femmes seront d’autant plus incités à exprimer leurs talents et donner vie à leur créativité qu’ils évoluent dans une société libre, et non pas dans une société opprimée.

Loin de n’être que culturel ou génétique, les comportements des individus sont très largement dépendants des institutions formelles. C’est-à-dire les règles économiques et juridiques claires, en vigueur dans un pays, qui pose le cadre des incitations à la production, à l’échange, au partage. On a beau avoir l’esprit d’entreprise ou un sens de l’inventivité, si l’environnement institutionnel dans lequel on évolue n’est pas favorable, notre projet, notre intuition, ne verra jamais le jour. Les inventions citées plus haut n’auraient peut-être jamais vu le jour, si leurs auteurs étaient restés en Afrique. On comprend vite que des environnements institutionnels différents produiront des résultats différents.

Certes, tout le monde n’a pas l’esprit d’initiative, n’est pas inventeur dans l’âme. Ceci est une réalité, même dans les pays dits « développés ». Mais dans ces derniers règne un environnement institutionnel favorable à l’épanouissement de l’esprit d’entreprise, à la concrétisation des opportunités entrepreneuriales. Ceux qui ont l’esprit d’initiative plus que les autres « tirent » leurs concitoyens moins entreprenants vers le haut. Voilà donc un environnement qui place l’initiative et l’épanouissement de l’individu et de sa communauté au centre de la dynamique du progrès.

Pour que l’Afrique aspire à un développement pérenne au service des hommes et des femmes du continent – et d’ailleurs, il est urgent de libérer l’initiative individuelle, de promouvoir, en accord avec les traditions locales, des règles juridiques et économiques claires en faveur de l’initiative personnelle.

Le développement vient d’en bas et non d’en haut. Mais pour que le « bas » – la société civile – puisse être actif et générer des richesses, il faut qu’il puisse compter sur des institutions qui le protègent, qui protègent sa propriété et qui le stimulent. C’est là que le rôle du « haut » (États, gouvernements) devient important : il doit garantir un état de droit, protéger la propriété des individus, offrir sécurité et stabilité aux citoyens qu’il représente.

La créativité humaine est universelle et est source de progrès. Mais pour s’exprimer et se diffuser, elle requiert les conditions de liberté, c’est-à-dire le respect des droits individuels, de la liberté économique et de la paix.

Youcef Maouchi est analyste sur www.unMondeLibre.org.

Lu sur Afrik.com