Au Rythme de la Kora ancestrale… Ils étaient là nombreux, les intellectuels africains, panafricains, africanistes, ou que sais je encore… tous ceux qui avaient attendu 30 ans, cet événement… Un film sur Cheikh Anta Diop !
Ils sont venus, ils étaient tous là, ses disciples, lecteurs initiés, adorateurs, sympathisants, lecteurs du dimanche ou simples abonnés à ses citations répandues sur toute la planète à la vitesse de la lumière, et puis aussi, ceux qui viennent pour venir, ceux qui assistent pour assister, à toute grand-messe, pourvu que quelqu’un l’ait déclarée inratable…
Mais tous ces gens, quel que soit leur motif, n’allaient pas repartir indemnes de cette avant-première mondiale du Film Kemtiyu Sèex Anta, mais proches, très proches de Lui…
Je suis arrivée, seule, j’ai salué des connaissances, embrassé parents et amis, puis je me suis assise, loin de tous, pour mieux savourer chaque minute de ce nectar inespéré, ce n’était pas le moment d’être dans les chuchotis ou les confidences, j’étais dans un instant éternel, en méditation, en prière…
Je ressentais profondément cet événement comme majeur… Il y a des jours comme ça, on sent que c’est un tournant !
D’abord, une chanteuse Ma Sané du groupe Wa Flash de Thiès, que je ne connaissais pas, belle, majestueuse comme une prêtresse égyptienne, elle l’a chanté du tréfonds de son âme, c’était beau et solennel ! Cheikh Anta…
Et puis, ses enfants dignes avec quelques humbles paroles…
Puis Laurence, à qui on doit le montage, pleine de trac, d’émotion, mais professionnelle…
Et enfin le réalisateur de ce film historique, celui que tous appellent affectueusement Willy, une grande silhouette dégingandée, familière, l’humilité personnifiée, « Yes I » a-t-il lancé à l’assistance avec un sourire en coin comme pour défier son trac…
Quand ce film a commencé, mon cœur s’est mis en apnée et mes larmes en apesanteur…
J’ai avalé chaque miette des nombreux témoignages si justes, je guettais chacune de ses apparitions sur l’écran comme on s’abreuve, comme si je voulais scanner son image dans mon cerveau, je me suis attachée à sa veuve si simple et aimante, j’ai applaudi comme si je lui envoyais des ondes de lumière plusieurs décennies après, à chacune de ses vérités immuables, véritables joyaux, et j’ai ressenti le formidable cran de ce grand maître incarné, ce magnifique pharaon déguisé en savant baol-baol à Paris le temple de la connaissance mais aussi de l’histoire falsifiée, son entêtement à étudier toutes ces disciplines scientifiques, son amour immense pour sa terre et pour l’humanité, son exigence de Vérité, j’ai ressenti les barreaux de sa prison senghorienne, la solidarité de sa communauté Bayfaal, la nonchalance multiséculaire de Ceytou, le mépris de ses ennemis, le respect de ses pairs, sa vie de famille pleine d’amour, de pudeur mais aussi de privations, sa haute intégrité, la fierté de ses disciples et admirateurs, sa tendresse envers ses proches, l’ignorance de ses frères qui seule pouvait l’ébranler au plus profond de son être, l’outrecuidance de Senghor et de sa clique française et francafricaine désormais livrés au sévère jugement de l’Histoire avec un grand H…
C’était grandiose !
J’ai ressenti avec une terrible émotion chaque séquence de ce film multidimensionnel et quantique.
Et dans ma tête, la musique flamboyante de Randy Weston continue encore et encore d’invoquer les ancêtres d’Afrique mais aussi ceux des champs de coton…
Je le connaissais, je le lisais, je l’aimais, je le citais, je prônais ses enseignements, mais désormais, je me sens orpheline…
Car ce film m’a apporté l’affection que seule apporte la proximité qui me manquait avec ce magnifique pharaon tout droit sorti des limbes de nos cerveaux pour se matérialiser dans nos cœurs…
Comment remercier ce magicien, Ousmane William Mbaye certainement scribe dans une vie antérieure en Égypte au côté de ce grand Pharaon, merci à toi Mamane, merci Willy pour cette affectueuse proximité, merci pour cet attachement indélébile que je ressens dorénavant pour mon père, mon ancêtre…
Car cet homme, c’est sûr, fait partie de la cohorte de mes ancêtres, nos ancêtres, qui veillent sur nous de l’au-delà, c’est-à-dire ici et maintenant !
L’Afrique va s’en sortir car l’Afrique est de nouveau connectée à ses ancêtres ! Yes I !
Mame Hulo
Directrice de Diasporas Noires Editions et Activiste du panafricanisme
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Rappel de la biographie de Cheikh Anta Diop
Né en 1923 dans un village du Sénégal profond, il se passionne très tôt pour les sciences et l’histoire de l’Afrique.
Il débarque à Paris en 1947 pour étudier la philosophie, puis la physique, la chimie, l’histoire, la linguistique, l’anthropologie. Ses professeurs sont Gaston Bachelard, Marcel Griaule et Frédéric Joliot-Curie.
En 1954, il publie « Nations Nègres et culture », un livre-culte, qui révolutionne la vision sur l’origine des civilisations, en déclarant que l’humanité est née en Afrique, que l’Égypte pharaonique était nègre et que l’histoire a été falsifiée.
Oser contredire les égyptologues et ébranler les symboles va lui couter cher toute sa vie…
Sa thèse de doctorat en poche, il rentre au Sénégal en 1960, au moment de l’indépendance, et se heurte à Léopold Sédar Senghor qui lui interdit d’enseigner à l’Université.
Soutenu par Théodore Monod, Cheikh Anta construit alors à Dakar, son propre laboratoire de datation au Carbone 14.
Il est convaincu que le développement de l’Afrique passe par l’apprentissage des sciences, la défense des langues nationales et la fédération des États-Unis d’Afrique.
Malgré un parcours constamment parsemé d’embuches et d’adversaires, Cheikh Anta Diop le rebelle, laisse derrière lui une oeuvre colossale et féconde et quelques héritiers à travers le monde, qui revendiquent sa pensée et ses combats.
« Il est permis de se demander s’il n’est pas de ceux qui, de leur vivant, se sont installés confortablement dans l’éternité « écrivait un journaliste, déjà en 1960.
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Titre : KEMTIYU, Cheikh Anta
Genre : Documentaire de création – Durée : 94′ – Année : 2016
Scénario Réalisation & Production : Ousmane William MBAYE
Montage & Production : Laurence ATTALI
Musique : Randy WESTON
Conseil scientifique: Cheikh Mbacké DIOP
Les Films MAME YANDE – William Mbaye
Production et Distribution :
AUTOPRODUCTION – Laurence Attali
source dossier technique du Film
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Filmographie de Ousmane William Mbaye
- 1979 : Doomi Ngacc (L’enfant de Ngatch)
- 1981 : Duunde Yakaar (Pain sec)
- 1989 : Dakar Clando
- 1992 : Dial Diali
- 1992 : Fresque
- 2003 : Xalima la plume
- 2005 : Fer et verre
- 2008 : Mère-Bi (La mère)
- 2012 : Président Dia (documentaire)
Source (Wikipédia)