Dakar, lundi 20 Avril 2015
LETTRE OUVERTE à Monsieur Macky Sall Président de la République du Sénégal
Monsieur le Président de la République
Nous sommes un Collectif de fait « DOYNA STOP à la Mendicité des Enfants au Sénégal », composé de simples citoyens et d’associations de défense et de protection des enfants mendiants du Sénégal, associations sincères qui œuvrent depuis longtemps pour cette cause et qui sont fatiguées d’essayer d’arrêter la mer avec leur bras.
Ce collectif a pour unique but l’interdiction de la mendicité des enfants et afin de bien marquer notre différence avec certaines mauvaises pratiques qui perdurent autour des enfants mendiants, nous disons d’emblée que nous n’acceptons aucun financement d’où qu’il vienne, nous cotisons et nous dépensons plus d’énergie que d’argent pour essayer de sensibiliser et changer les consciences.
Cela fait un an maintenant que nous faisons des manifestations pacifiques à des dates symboliques comme le 16 Juin (Journée internationale de l’Enfant Africain) et le 20 novembre (Journée Internationale des Droits de l’Enfant), pour sensibiliser l’État et le peuple sénégalais sur la situation dramatique de ces enfants, véritables rebuts de la société sénégalaise ; nous avons participé au Forum Social Africain en octobre dernier à Dakar et notre stand a connu une grande fréquentation, car ce sujet préoccupe la plupart des Sénégalais et des Africains, même s’ils n’ont pas forcément de cadre approprié pour pouvoir exprimer cette préoccupation. Nous avons également participé récemment à la marche de commémoration de la mort des 9 jeunes talibés dans un incendie à la Médina.
Aujourd’hui, 20 avril, il parait que c’est la « journée nationale du talibé », bien que ce mot n’englobe pas tous les enfants mendiants dont nous nous préoccupons, nous saisissons cette occasion symbolique pour vous exprimer notre désespoir au sein du Collectif, le désarroi des associations de plus en plus dépassées par l’ampleur de la tache de soutien et de réinsertion, le malaise grandissant de la Société Civile Sénégalaise qui n’en peut plus de ravaler sa honte tous les jours devant l’horrible spectacle de ces enfants déguenillés, couverts de plaies et de maladies, sales, affamés, souvent enrôlés par les bandits des rues, à la merci de toutes les prédations notamment des pervers …
Ce dramatique spectacle est aussi un facteur important d’incompréhension et de dénigrement de notre pays par tous les touristes et étrangers foulant notre sol, il est vraiment temps de trouver une solution durable et digne pour notre pays, pour ces enfants qui sont le devenir de notre pays, notre avenir est hypothéqué, car comment autant d’enfants pourront-ils sortir indemnes de cette vie que le mauvais sort et la négligence de notre société leur a offerte comme un cadeau empoisonné et devenir des adultes responsables…
Nous nous permettons de vous interpeller sur la loi 2005-06 qui n’est pas appliquée ou si peu, alors qu’elle stipule clairement l’interdiction de mendier et la criminalisation de la traite des personnes mineures…
Les enfants sont des êtres vulnérables qui ont besoin de la protection de l’État, et de la même façon qu’un voleur est puni par la loi, arrêté et enfermé, de la même façon, un maltraiteur, exploiteur ou violeur d’enfant devrait l’être encore plus, car c’est bien plus grave que de voler, et tous doivent être égaux devant la loi, et la loi existe bel et bien…
Elle aurait été certainement mieux appliquée si l’interdiction de mendier ne visait que les enfants, au moins dans un premier temps…
Et les personnes désireuses de donner leurs oboles aux enfants pourraient bien se rendre dans les daaras non loin de chez eux, afin de le leur donner directement dans l’enceinte sécurisée de leur lieu de vie et d’études… Les Sénégalais peuvent bien faire cet effort… Donc il n’est nullement question d’interdire de donner l’aumône, mais plutôt d’interdire la mendicité qui est clairement une sorte de racolage dans la rue, surtout concernant des enfants.
Cette loi qui, si elle était strictement appliquée, permettrait déjà aujourd’hui même, de protéger un grand nombre d’enfants, car des criminels traversent nos frontières, se prétendant à tort maitre coranique et viennent réduire des enfants en esclavage sous nos yeux.
Afin de résoudre tous ces problèmes, nous savons que vous travaillez à un projet de loi de modernisation des daaras depuis un certain temps, et que vos prédécesseurs y travaillaient aussi, mais nous trouvons juste ce temps vraiment long, très long, car cela fait des années que ce sujet est d’actualité…
Nous sommes conscients que ce projet de loi, lorsqu’il sera adopté, pourra résoudre beaucoup des difficultés évoquées dans cette lettre.
Monsieur le président, nous vous demandons respectueusement d’accélérer la cadence si cela est possible, car en attendant des dizaines de milliers d’enfants souffrent mille martyres tous les jours et ce n’est pas digne de notre pays.
Voici un extrait de notre manifeste du 16 Juin :
Nous, Collectif de Citoyens Sénégalais et d’Associations de défense des droits des enfants, déclarons solennellement en ce jour du 16 Juin 2014 Journée de l’Enfant Africain
– Que nous ne voulons plus voir d’enfants mendiants dans les rues du Sénégal, nous ne voulons plus être les témoins impuissants de leur terrible souffrance
– Que l’État du Sénégal en tant que garant de la Cohésion Sociale et de l’ordre public, ne PEUT plus fermer les yeux sur ce fléau qui gangrène notre société, nos rues, nos cœurs et nos enfants.
– Que l’État du Sénégal en tant que responsable de la protection des plus faibles et en tant que signataire de nombreux traités internationaux de protection de l’enfance doit remplir sa mission et TOUTE sa mission.
– Que l’État du Sénégal est en infraction par rapport à tous ces traités et qu’il est coupable de NON-ASSISTANCE à enfants en danger
ü Que ces enfants sont l’AVENIR de notre pays, c’est donc notre avenir que nous hypothéquons !
– Que la mendicité des enfants doit être purement et simplement INTERDITE ! La loi de 2005-06 doit être appliquée et si nécessaire renforcée.
– Que l’état du Sénégal doit financer TOUTES les solutions à mettre en œuvre pour l’après-interdiction, quelle que soit leur nature, politique, culturelle, religieuse, éducative, familiale, etc…
Nous refusons d’entrer dans des débats complexes culturels ou religieux ou de tout autre nature, nous disons juste :
- DOYNA STOP A LA MENDICITÉ DES ENFANTS !
- DOYNA STOP A LA SOUFFRANCE DES ENFANTS MENDIANTS
- LA PLACE D’UN ENFANT N’EST PAS DANS LA RUE !
- LA PROTECTION DE L’ENFANT EST UN DROIT !
Nous espérons de tout cœur que cette lettre sera entendue et comprise comme étant notre contribution citoyenne à la bonne marche de notre cher pays, nous espérons que très bientôt, ces visions traumatisantes d’enfants, errant dans nos rues avec leur horrible souffrance en bandoulière, ne seront plus que mauvais souvenirs.
Nous comptons sur vous, Monsieur le Président, le Collectif vous remercie par avance pour toute action allant dans le sens de notre requête légitime…
Veuillez agréer Monsieur le Président de la République, nos très respectueuses salutations.
LES MEMBRES DU COLLECTIF DOYNA STOP À LA MENDICITÉ DES ENFANTS