(Syfia Niger) Comme beaucoup d’autres jeunes Africains, Aboubacar Assoumana a longtemps été aveuglé par l’eldorado européen. Sa quête a même failli lui coûter la vie au Maroc. De retour au Niger, il a réussi à se construire un avenir.

Ne parlez plus de l’eldorado européen à Aboubacar Assoumana. « Restez chez vous ! Partout on peut gagner sa vie ; il suffit d’avoir de l’initiative », conseille-t-il régulièrement à ses camarades qui rêvent d’aller clandestinement sur le Vieux continent. Aujourd’hui, Aboubacar a quatre employés dans son restaurant de Niamey.
Ce jeune à l’allure athlétique n’a pas toujours tenu le même discours. En 2003, il quitte la capitale nigérienne. Âgé alors de 29 ans, il n’a qu’un objectif en tête : faire fortune en Europe. Détenteur d’un baccalauréat et d’un passeport sans visa, il transite par Agadez au nord du pays, puis passe par l’Algérie où sa carte d’étudiant lui facilite la traversée. Cette dernière dure six mois, entrecoupée de petits travaux domestiques pour gagner de quoi continuer l’aventure. « Les passeurs demandent moins d’argent aux étudiants. À chaque contrôle policier, je présentais ma carte, en expliquant que je voulais m’inscrire dans une université algérienne. Les obstacles ont commencé au Maroc. J’y ai perdu ma carte et les contrôles policiers sont sévères », raconte-t-il.
À Tinghir, une bourgade du Sud-est marocain, à environ 600 km de Rabat, la capitale, Assoumana passe ses nuits dans la rue, au froid. Il se nourrit de morceaux de pain quémandés à droite et à gauche. Il rencontre alors un Marocain de 45 ans, surnommé Abass qui devient son patron. Ce marchand de produits de contrebande se montre très accueillant dans un premier temps… « Il m’a offert un toit, de quoi manger et quelques dirhams pour mes petites dépenses. Pour mon salaire, il avait promis de payer au bout de six mois l’argent de ma traversée du détroit de Gibraltar. Il devait aussi me donner les contacts de ses amis en Europe », raconte-t-il, le cœur serré.

Morts sur la route de l’Europe
Assoumana transporte et livre de petits paquets pour Abass. Au début, il en ignore le contenu. Puis, il découvre qu’ils contiennent du chanvre indien. « Je ne me suis pas découragé ; le plus important pour moi était d’aller en Europe, quel qu’en soit le prix… », se souvient-il. Un jour, à l’aube, il est tiré de son sommeil par une pluie de coups. Ces agresseurs appartiennent à une bande rivale de dealers. « J’ai réussi à ouvrir les yeux. Les coups se sont arrêtés. J’ai entendu l’un d’eux dire, ‘laissez-le, la prochaine fois nous le tuerons.' »
Il passe une journée à demi mort, baignant dans son sang. Jamais, son patron ne viendra à son secours. Une Sénégalaise dans la cinquantaine, mariée à un Marocain qui habite la maison d’en face, le soigne. « Quand j’ai eu repris mes forces, elle m’a donné de l’argent et m’a conseillé de rentrer au Niger, car elle connaissait beaucoup de jeunes comme moi morts sur la route de l’Europe. » Assoumana suit le conseil avisé de cette femme qui lui a sauvé la vie. « J’ai appris par la suite qu’elle avait tenté autrefois à plusieurs reprises d’entrer en Europe. Elle s’est ensuite installée et mariée à Tinghir. »
Assoumana rentre sans trop de difficultés chez lui, bénéficiant de la solidarité de compatriotes vivant en Algérie. Il ouvre ensuite son restaurant à Niamey, grâce au prêt d’une de ses tantes. « En guise de souvenir aux souffrances vécues, je l’ai appelé Le Parisien », dit-il à qui veut l’entendre. Son rêve de l’eldorado européen est pourtant bel et bien derrière lui : « Je gagne ma vie honnêtement ici. Je n’ai plus envie d’aller là-bas. »

Lu sur Syfia Info