VOTOATINY: 

Tsiazomboalavo, de la géomorphologie de Pipe

Un autre endroit qui pour moi serait une pipekimberlitique potentielle se trouve dans la grande forêt à l’Est de Madagascar.

Tsiazomboalavo se localise à l’Ouest de Nosy-Varika.

Cette pipe probable (dans le rectangle jaune) se localise au Sud-Ouest de la zone prospectée par (Key, Pouliquen et al. 2008), carré bleu-Fig1. On observe également que Tsiazomboalavo se trouve juste au sein de la Zone de cisaillement que j’ai cartographiée dans la région (la ZC est tracée en lignes rouges).

J’ai expliqué dans mes articles précédents sur l’OR ce que sont les ZC.

Et sur cette même figure, j’ai tracé les failles par des lignes blanches et on observe aussi ici que les failles de directions N160 traversent également la région de Tsiazomboalavo.

Les pipes au sein/proche des ZC sont également définies comme les plus intéressants en terme de prospection de Diamant (Thèse Randrianasolo, 2009).

Localisation de « Tsiazomboalavo ». La surface en bleue représente la zone prospectée par (Key, Pouliquen et al. 2008). Le fond de carte est une image satellite landsat. J’ai également mis en fond de carte, centré sur Tsiazomboalavo, la mosaïqué des cartes géologiques 1/100.000. Les traits fins blancs représentent les failles. Le trait rouge représente la zone de cisaillement.

En effet, une observation plus rapprochée de la région montre que sur la carte topographique (Fig.2a), à l’échelle 1/100.000ème,  un bassin versant de forme subcirculaire serait la limite d’une possible caldeira. L’observation de l’image de « google-earth » correspondante (Fig.2b) présente nettement au niveau de ce bassin versant, un sol plus sombre dans une zone de dépression topographique. Au niveau de cette zone sombre, on voit également des surfaces d’altération (Fig.2c), semblable à l’apparence d’altération des kimberlites, avec beaucoup de serpentinisation (Hayman, Cas et al. 2009).

Brice RANDRIANASOLO

Docteur en géologie, IMAG Consulting

(0033)6.34.03.09.14

ebrandria@gmail.com

http://brandrianasolo.free.fr/

 

Description cartographique du probable pipe de Tsiazomboalavo. (a) en haut à gauche, Carte topographique 1/100.000. On observe sur le site un bassin versant subcirculaire. (b) en haut à droite, image « quickbird » (google-earth) correspondante. On observe un sol plus sombre au niveau du bassin versant. (c) en bas, vue rapprochée du sol (zoom sur l’image b). On découvre une altération du sol, typique d’une forte serpentinisation (kimberlite???)

 

REFERENCES:

– Hayman, P. C., R. A. F. Cas, et al. (2009). « Characteristics and alteration origins of matrix minerals involcaniclastic kimberlite of the Muskox pipe (Nunavut, Canada). » Lithos 112, Supplement 1(0): 473‐487.

– Key, R. M., G. Pouliquen, et al. (2008). « Identifying Mesozoic fractures in Madagascar that may controlkimberlite emplacement during the cretaceous. Is this a valid exploration technic? . » Symposium inMadagascar.

– Randrianasolo B., « Nouvelles méthodes de cartographie du socle protérozoïque Sud deMadagascar. Nature et géométrie de la croute continentale moyenne d’un domaine orogénique enconvergence, implications économiques ».Thèse Université de Grenoble ; Mémoire n°53 GéologieAlpine ISBN 9-782953-144468. http://www.institut‐montagne.org/ori‐oai‐search/notice.html?id=institutmontagne‐ori‐wf‐1‐70327&format=dc_id.

Lyonel TrouillotLe Prix du Salon du livre de Genève 2012 dévoile son lauréat

Lyonel Trouillot remporte le Prix du Salon du livre de Genève 2012 pour son roman La belle amour humaine (Actes Sud). Le lauréat de la première édition de ce nouveau venu sur la scène des prix francophones a été dévoilé lors du premier jour du Salon du livre de Genève, qui se tient jusqu’au dimanche 29 avril à Genève.

Réuni par l’écrivain Metin Arditi, le jury de la première édition du Prix du Salon du livre de Genève a décerné au premier tour son prix à l’écrivain haïtien Lyonel Trouillot pour son roman «La belle amour humaine», paru lors de la rentrée d’août 2011 aux éditions Actes Sud. Il l’emporte sur les deux autres titres qui figuraient sur la deuxième sélection du prix, soit Evasion à perpétuité, de Thierry Luterbacher (éditions Bernard Campiche) et La lanterne d’Aristote, de Thierry Laget (éditions Gallimard). La belle amour humaine suit avec jubilation et mélancolie une jeune fille occidentale, Anaïse, qui cherche en Haïti les traces de son père disparu et à qui s’adresse son guide local Thomas. «Le roman de Lyonel Trouillot est un livre lumineux, déclare le président du jury Metin Arditi. Il aborde de façon magnifique et forte la question du bien et du mal, celle de notre rapport à l’autre, et pour finir, celle de notre rapport à nous-même. Ce texte a été pour moi l’occasion d’une lecture inoubliable.»

Lyonel Trouillot, né en 1956 à Port-au-Prince où il réside, romancier, journaliste, professeur et poète d’expression créole autant que française, est édité en France depuis 1998 par les éditions Actes Sud. Très engagé dans le développement culturel de son pays, il a contribué à la création des revues Langaj et Lire Haïti et du Collectif de la revue Cahiers du vendredi. Il copréside, avec Dany Laferrière, l’association «Etonnants-Voyageurs Haïti».

Le Salon international du livre et de la presse de Genève est fier et heureux de lui remettre, lors du dîner d’inauguration de sa 26e édition mercredi 25 avril 2012, ce premier Prix du Salon du livre de Genève ainsi que les 10’000 francs suisses qui l’accompagnent.

Créé en février de cette année et destiné à affirmer le rôle prescripteur du Salon international du livre et de la presse de Genève, ce prix est attribué par un jury présidé par l’écrivain Metin Arditi et composé de Laure Adler, Paule Constant, Anne Cuneo, Isabelle Falconnier (présidente du Salon du livre) et Amin Maalouf. Le Prix du Salon du livre de Genève est soutenu par les communes genevoises, la Fnac Suisse et l’hôtel Mandarin Oriental à Genève. Il récompense chaque année un roman écrit en langue française, paru entre février de l’année précédente et février de l’année en cours, et porteur de ce que l’on appelle l’esprit de Genève : affirmation de la force de la liberté d’expression, de l’humanisme, du cosmopolitisme et du débat d’idée.

 

Lu sur http://www.salondulivre.ch

Le Jeudi 27 avril 2012, Pierre Laporte recevait Mame Hulo 

dans l’émission « Afrique culture, les mots pour le dire »

sur www.radio-tongolo.com pour son roman

« DIOR, LE BONHEUR VOLONTAIRE »

Interview 

Mame Hulo bonsoir

Bonsoir Pierre Laporte, je suis heureuse de vous retrouver, Bonsoir à tous les auditeurs et auditrices.

C’est vrai que nous vous avions déjà reçue comme éditrice, cette fois, vous êtes là en tant qu’auteure.

Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre livre ? Sa thématique.

Je suis franco-sénégalaise, éditrice, j’ai créé la maison d’édition Diasporas Noires et la Revue des bonnes nouvelles d’Afrique… Je suis aussi auteure…

« Dior le bonheur volontaire » est mon premier livre, sa thématique principale est la volonté et l’acceptation, les deux faces d’une même médaille.

C’est le portrait d’une femme volontaire, qui croit pouvoir agir sur son destin, qui croit pouvoir construire son bonheur…

Mon livre parle aussi de la détresse enfantine, du monde inquiétant des adultes qui l’entoure, de l’insouciance des jeunes gens, de leur naïveté face à l’intransigeance de la société et de ses règles parfois hypocrites qui broient d’une façon ou d’une autre toute individualité et toute volonté d’être heureux hors de ces règles…

Donc, ce livre est structuré en deux parties, par quoi a été animé ce découpage ?

En fait, j’ai écrit le premier chapitre par inadvertance, alors que je participais à un atelier d’écrire il y a 20 ans à Paris. On faisait un exercice, écrire un texte en une demi-heure avec comme contrainte une dizaine de mots imposés … Au bout d’une demi-heure chaque texte doit être lu et critiqué par les autres participants… Ce premier chapitre de Dior qui s’appelle « La visiteuse », est sorti donc en une demi-heure, de je ne sais où, quasiment à la virgule prés, sous la pression, comme ça… Moi-même j’ai été abasourdie, d’avoir écrit un truc aussi intime, oublié au fond de moi…

Pour la deuxième partie, c’est un livre que je voulais écrire sur mes parents, mais un peu romancé… Donc là c’était prémédité.

A un moment donné, le fait de rassembler les 2 parties dans un même livre m’a paru évident…

Est-ce que la vision de l’injustice par les yeux d’un enfant obéit à une logique chronologique ou autre ?

Je pense qu’un enfant n’a pas la notion d’injustice pendant qu’il vit des situations données… C’est juste de la détresse et de l’insécurité affective ressenties au plus profond de lui… Qu’il nommera injustice plus tard…

En lisant votre livre, je n’ai pu m’empêcher de penser à Maïmouna  d’Abdoulaye Sadji, que pensez-vous de ce rapprochement ?

Je pense que ce rapprochement n’est pas pertinent si on prend les thèmes principaux abordés, le livre d’Abdoulaye Sadji parle des enjeux d’une authenticité africaine face une modernité factice, compare une vie paysanne et humaine, à une vie citadine et mondaine basée sur le paraître, l’auteur parle aussi de l’ambition sociale, de la naïveté, de la tromperie amoureuse…

Pause musicale : Chimes of freedom c’est la chanson que vous avez choisie

Merci à l’Artiste-Ministre Youssou Ndour pour cette chanson optimiste. Le refrain dit : « Et nous avons regardé fixement au-dessus des carillons de la liberté qui éclataient. »… Il faut aussi préciser que c’est une chanson de Bob Dylan à la base.

La condition de la femme est abordée dans ce livre et notamment la soumission à un ordre patriarcal, c’était une volonté de le traiter ou ce sujet s’est-il imposé à vous.

Ce sujet, j’y ai toujours été très sensible, justement parce mon père m’a élevée tout autrement et n’a jamais essayé de m’imposer ce genre de choses, alors que toutes mes amies autour de moi les subissaient… Bien que nous vivions au Sénégal, où cet ordre patriarcal ou même on peut dire phallocentrique est incontournable, il m’a inculquée assez tôt une volonté d’autonomie et une indépendance incroyable pour une fille, pour une femme, il m’a appris à me débrouiller sans compter sur personne, sans compter sur un homme.

Pour vous, une bonne littérature tient elle aussi à son propos ?

Oui, cent fois oui… Car pour moi un bon livre doit toujours changer ne serait-ce qu’un peu le lecteur, il doit le rendre heureux ou meilleur qu’il n’était avant de le lire, il doit lui permettre de s’identifier, de se poser des questions.

Mais une bonne littérature tient aussi à la sonorité des mots, à la fluidité et à l’élégance du style… Sur ce point particulier, j’aime des écrivains comme Marguerite Duras ou Christian Bobin…

D’ailleurs, dans le rap et le slam, les jeunes travaillent sur cette sonorité des mots…

Paul Valery disait « la poésie cette longue hésitation entre le son et le sens ».

Quel est le rôle social de l’écrivain, particulièrement en Afrique ?

L’écrivain a le même rôle en Afrique que partout ailleurs, il doit poser des questions existentielles et philosophiques…. Même parfois en divertissant… Je ne sais plus qui a dit : L’écriture est un exercice spirituel, elle aide à devenir libre.

Mais j’aime bien ce que dit Christian Bobin : Ce n’est pas pour devenir écrivain qu’on écrit. C’est pour rejoindre en silence cet amour qui manque à tout amour.

Dany Laferrière disait lui « j’ai longtemps cru que mes livres venaient de moi, je commence à croire que je viens de mes livres ».

Est-ce pour vous une réalité encore prégnante en Afrique ou vous nuanceriez le propos aujourd’hui ?

Je pense que cette réalité-là que je décris existe encore en Afrique mais aussi partout dans le monde (j’en reviens toujours à l’universalisme, c’est ce que dit un philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne : Aucune vérité ne saurait être la vérité spécifique d’un peuple si elle est vérité. Si elle n’appartient qu’à ce peuple-là, elle n’est pas vraie, elle n’est pas humaine…)

Cette réalité-là a toujours existé et la littérature en général ne cesse de relater ce même type d’histoire… Tristan et Yseult, Roméo et Juliette, ont fait couler beaucoup d’encre et c’est le même type d’histoire d’amour contrarié par la société sous des prétextes divers et variés… La forme et le motif de la contrariété peut-être être différente selon les cultures ou selon qu’on soit à la campagne ou à la ville… Il y a toujours une histoire de richesse ou non du prétendant, de religion, de bienséance ou d’honneur…

C’est la même chose pour la réalité de fillettes sans leur mère dans un milieu hostile où règne une marâtre, chez nous au Sénégal, on raconte depuis la nuit des temps dans les veillées, l’histoire de « Coumba ame ndeye » (Coumba avec mère) et « Coumba amoul ndeye » (Coumba sans mère), une cendrillon africaine qui finit par triompher d’une méchante marâtre après beaucoup de péripéties et de souffrances…

C’est toujours la même histoire… Ces histoires sont des histoires humaines qui se reproduisent à l’infini… De tout temps et sur toutes les latitudes.

Vous mettez en exergue de votre livre « tout ce qui arrive est nécessaire » qui est une phrase rappelons le, de Marc Aurèle empereur romain et philosophe stoïcien.

Cette citation est également attribuée à Spinoza

Pourquoi ce choix ?

Pour moi, c’est la conclusion du livre…Cela reflète mon état d’esprit après avoir raconté tous ces événements relatés dans le livre… Cela veut dire, que ces événements m’ont façonnée et que dans ce sens, ils étaient peut-être nécessaires… C’est l’acceptation de la vie et des embuches qu’on rencontre, afin d’évoluer.

La philosophie stoïcienne met en avant l’acceptation du monde tel qu’il est, est-elle en accord avec le propos de votre livre ?

Je suis en accord avec cela, même si pour moi la volonté doit être le pendant parfait de l’acceptation… Je m’explique

Je pense qu’il faut accepter le monde tel qu’il est et se changer plutôt soi-même… pour pouvoir le changer…

Gandhi l’a très bien dit, « Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde… »

On peut être très volontaire en agissant sur les événements et le monde qui nous entoure tout en acceptant qu’il ne soit pas parfait, que nos vies ne soient pas parfaites, vivre dans le moment présent en essayant d’être heureux avec ce qu’on a sur le moment, même si on travaille à l’améliorer…

Dans votre ouvrage « Dior, le bonheur volontaire » la volonté est beaucoup plus présente que le bonheur. C’est un parti pris ?

En fait, je voulais surtout parler de la volonté de bonheur, l’espoir d’être heureux, pas du bonheur lui-même

Pause musicale : Nina Simone – My baby just cares for me

Super !!! Merci Pierre

Le sujet de la religion est aussi abordé, via notamment l’interdiction transgressée d’épouser un non-musulman, comment analysez-vous cette endogamie ?

Au Sénégal, Il y a beaucoup de familles ouvertes qui acceptent cela.

Cette interdiction a souvent été transgressée car les 2 communautés musulmane et catholique sont assez imbriquées… Dans presque chaque famille, il y a des musulmans et des catholiques. Dans ma famille cela a toujours été le cas depuis plusieurs générations. Les fêtes religieuses sont fêtées d’un côté comme de l’autre, tous ensemble, tout le monde participe… Moi quand j’étais jeune, bien que catholique, je faisais parfois le ramadan pour faire comme ma grand-mère ou soutenir ma meilleure amie dans son effort…

Pour moi cette interdiction d’épouser un non-musulman, est d’autant plus bizarre que c’est le même Dieu… Mais cela peut servir de prétexte le moment venu pour refuser un prétendant … Et pourtant, Dior et Édouard étaient cousins germains et donc d’une grande proximité familiale…

Et ce drap taché qui est un symbole d’asservissement là devient un symbole de libération ?

Oui, en fait Dior joue à l’apprentie sorcière et transforme ce symbole d’asservissement de la femme en sa faveur… Ces jeunes partent en fait du principe que le déshonneur c’est quand on se fait déflorer sans que les parents sachent où, quand et avec qui… Là, ils ont l’idée de ramener le drap taché, de l’exhiber accompagné d’une demande de mariage… Ils pensent que cela va leur épargner le déshonneur, en tout cas c’est ce qu’ils croient…

On voit aussi comment s’organisent les jeunes pour s’opposer à une décision parentale, le conflit entre les générations est-ce là encore quelque chose de nouveau en Afrique ou ça a toujours existé ?

Je pense que le conflit de générations a toujours existé, jusqu’ici en Afrique, le sacro-saint respect envers les ainés, les anciens, empêchait et freinait toute velléité de révolte de la jeunesse. Mais cela est en train de changer…

J’ai l’impression que les jeunes aujourd’hui prennent plus leurs responsabilités et sont décomplexés de ce point de vue là… On peut citer toutes les révoltes de la jeunesse dernièrement, cela a commencé en Égypte, donc en Afrique… Le mouvement Yen A marre au Sénégal a tenu tête au régime et l’a fait tomber… J’ai un grand espoir pour l’Afrique car cette jeunesse-là est plus vertueuse que ses ainés, et plus volontaire et plus audacieuse, il me semble, que quand elle arrivera au pouvoir et aux affaires dans quelques années, tous les espoirs seront permis… d’où mon afro-optimisme forcené…

Que pensez vous de cette phrase de Nietzsche «  tout ce qui se fait par amour se fait par delà le bien et le mal », serait-ce un bon résumé de votre livre ?

Oui, tout à fait… Même si cela ne va pas forcément dans le sens souhaité par les amoureux au final…Moi je fais toujours et systématiquement ce choix-là… Quand des jeunes me demandent un conseil, je leur conseille toujours de choisir les sentiments plutôt que toute autre chose.

Quels sont vos modèles d’écriture, les auteurs qui vous ont inspirée le plus concernant le style ?

Mon style n’est pas inspiré par un écrivain en particulier, mais c’est un amalgame de toutes lectures que je fais depuis l’enfance et de ma propre intériorité…

Je suis plus à l’aise dans le style de la première partie de ce livre qui coule de source telle quelle, à la virgule près, comme venue directement de mon âme…

Alors que la deuxième partie du livre est plus un travail d’écrivain, avec un peu plus d’efforts…

Cela étant dit, je peux quand même dire un mot des livres qui m’ont le plus marquée dans ma vie au niveau du contenu… Je citerai en vrac

Amkoulel l’enfant peul et le Sage de Bandiagara d’Amadou Hampâté Bâ, cela m’a appris l’Afrique dans toute sa splendeur, Mariama Ba : Une si Longue Lettre.

Jazz de Toni Morisson et Si c’est un homme de Primo Levi m’ont beaucoup appris sur la complexité de l’être humain, sur l’ombre et la lumière, La chute d’Albert Camus aussi.

Cent ans de solitude de Gabriel García Márquez, Ségou de Maryse Condé, L’alchimiste de Paulo Coelho, Lettres à un jeune poète de Rainer Maria Rilke, Ainsi parlait Zarathoustra de Nietzsche, etc…

Et pour finir au niveau spirituel, Le livre tibétain de la vie et de la mort de Sogyal Rinpoché et Le prophète de Khalil Gibran… Mais il y en a beaucoup d’autres comme Don Quichotte de Cervantès, qui est un livre IMMENSE à lire et à relire…

Tous ces livres m’ont appris la bienveillance envers le genre humain et l’optimisme.

C’était votre premier roman, Graham Greene dit qu’il est important d’écrire sur ses premières années car c’est là que l’essentiel nous a été donné .  Êtes-vous d’accord ?  Et si oui que vous ont laissé ses premières années ?

Ces premières années m’ont laissé une grande force de caractère je crois, une résilience, beaucoup de volonté mais aussi de capacité d’acceptation, sans désir de revanche, sans rancœur, juste avancer, évoluer, se relever à chaque chute, sourire et repartir de plus belle.

– comment se procurer le livre (particularité).

-adresse du site/ références

Sur le site de Diasporas Noires  https://diasporas-noires.com/

Le livre version numérique est disponible pour un achat immédiat sur le site https://diasporas-noires.com/librairie-1/dior

Le livre version papier en remplissant un bon de commande toujours sur le site https://diasporas-noires.com/bon-de-commande

Prochainement, certains des livres de Diasporas Noires dont Dior seront disponibles en version papier à la librairie Athéna 33 rue Jules Ferry à Dakar…

Merci Mame Hulo

Merci Pierre Laporte pour ce bon moment que je viens de passer avec vous, trop court…Et merci à tous les auditeurs auditrices… 

C’est à peine la rentrée pour les 54 pays du continent et déjà 10 bons élèves se distinguent par leur croissance économique.

Ce classement présente les 10 pays ayant les plus forts taux de croissance de leur PIB réel sur ces trois dernières années, en se basant sur les chiffres du CIA World Factbook.

Il repose également sur les projections établies (PDF) par le Fonds monétaire international (FMI) pour l’année 2011, ainsi que sur le taux de corruption (PDF) mesuré par l’organisation Transparency International.

Par ailleurs, l’indice de développement humain (IDH) calculé par les Nations unies (PDF) ainsi que le PIB par habitant donné par la CIA à partir des chiffres du FMI et de la Banque mondiale interviennent également dans le classement.

Lire l’article sur http://www.slateafrique.com/33995/top-10-meilleures-economies-africaines

D’abord une rumeur, puis une vague annonce il y a quelques mois et enfin le voile s’est levé sur la Way-C, une tablette venue du Congo-Brazzaville, du moins dans sa conception. Lancée officiellement vendredi dernier 27 janvier 2012, cette tablette tactile sous Android est l’œuvre de Vérone Mankou, jeune entrepreneur-ingénieur congolais.
Fils d’une institutrice et d’un ingénieur, Vérone Mankou ne déboule pas en opportuniste. Conseiller du Ministre congolais aux Postes et Télécommunication en qualité de spécialiste en nouvelles technologies de communication, il pétrie l’idée de sa tablette depuis 2007.

vmk mankou
La Way-C n’a pas forcément des initiales faciles à porter, mais le dialecte kituba (majoritaire au Congo-Brazzaville) lui apporte la signification de Lumière des Étoiles. Pour beaucoup, le projet de VMK pourrait ouvrir de larges portes au réseau au sein du Congo-Brazzaville mais aussi partout en Afrique de l’Ouest, où le web n’a pu se développer comme en Europe (cuivre, câble, fibre). Quasi seule perspective aujourd’hui : les airs, le Wi-Fi et la 3G.
Et si le premier modèle de VMK est seulement Wi-Fi, son lancement est associé à un opérateur africain pour utiliser de nombreux hotspots 3G/Wi-Fi à travers le territoire.

Pour rappelle, la Way-C est commercialisée depuis peu au tarif de 150 000 francs CFA (228 euros). C’est une tablette de 7 pouces à écran tactile capacitif avec Android 2.3 Gingerbread, processeur Cortex A8 1,2 GHz, 512 Mo et 4 Go de stockage (+32 Go via une carte microSD). En sus de l’Android Market, la Way-C intègre le VMK Market qui met en avant de nombreuses applications conçues par des développeurs africains.

vmk way-c
Nous avons pu échanger quelque peu avec Vérone Mankou, créateur de VMK et concepteur dans les grandes lignes de la Way-C. Ouvert mais surtout en phase avec un marché mondialisé, il conçoit à Brazzaville, fabrique à Shenzhen et s’apprête même à vendre au Vénézuela.

Depuis le 27 janvier, vous vous êtes officiellement lancés dans l’arène de la mobilité, tout d’abord sur un marché intérieur. Pouvez-vous nous conter la genèse de VMK et de votre premier projet, la tablette Way-C

En 2006, je travaillais chez un fournisseur d’accès internet à Brazzaville. On avait coutume de se réunir deux fois par semaine, la partie technique de l’entreprise et la partie commerciale, pour voir comment résoudre les difficultés que nous rencontrons dans la démocratisation du web.
Les commerciaux se plaignaient de la difficulté qu’ils avaient à vendre Internet, parce que les produits étaient chers et inadaptés. C’est là que m’est venue l’idée : et si on donnait l’accès à l’Internet à tout le monde à bas prix ?

Au départ, j’ai pensé passer par l’ordinateur de bureau, mais je me suis rendu compte que le problème énergétique que connait l’Afrique en général et le Congo en particulier n’arrangeait pas les choses. Ensuite j’ai pensé à l’ordinateur portable, qu’on pouvait utiliser sans le courant électrique, mais je me suis rendu compte que cela était logistiquement et techniquement un casse-tête.
Alors, en 2007, quand Steve Jobs a présenté son iPhone, je me suis dit « C’est ça que je vais faire. Je veux faire un gros iPhone, c’est-à-dire une tablette ! Dès lors j’ai commencé les recherches pour la réalisation de ce projet. En 2009, j’avais tout ce qu’il fallait, tout était là, mais il me manquait les moyens financiers donc j’ai laissé cela de côté, en attendant d’avoir les fonds pour la réalisation.

Dans notre société, nous avons conçu les planches de la structure interne et le design de la tablette. Ensuite, nous avons contracté deux accords en Chine avec des usines : l’un pour l’assemblage de la tablette et l’autre pour le PCB ou la fabrication du circuit imprimé, toujours en suivant NOS planches.
Et si la tablette sort avec Android 2.3, nous travaillons à une mise à jour prochaine vers Android 4.0. D’ailleurs, la prochaine version de la Way-C, qui devrait être lancée au second semestre 2012, sera directement disponible sous Android 4.0.

Comment se comporte le marché hi-tech en Afrique ? Existe-t-il une forte concurrence ?

Le marché  hi-tech en Afrique est en pleine croissance, je dirais même que c’est le seul marché au monde où une croissance à quatre chiffres est encore possible. Et tous les grands du secteur le savent, voilà pourquoi ils multiplient les investissements ici et regardent vers l’Afrique.
Néanmoins, l’Afrique a la spécificité d’avoir un marché très différent des autres. L’Africain, n’ayant pas un grand pouvoir d’achat, souhaite un produit de même qualité que disponible à l’occident, pour un prix très bas. Ce qui fait que tout se joue sur le rapport qualité / prix. D’autres n’ont pas compris cela, car bien qu’ils réussissent à offrir aux Africains des produits à bas prix, la qualité ne suit pas toujours.
C’est là que nous allons sortir notre épingle du jeu. Nous n’allons proposer que des produits que j’estime de très bonne qualité et à des prix très abordables. Et la route va être longue… mais sûre, car depuis la médiatisation de la tablette, nous gagnons déjà en crédibilité auprès de la majorité. Ce qui est déjà un bon début en soi.

Pour le moment le marché n’est pas trop concurrentiel en Afrique, car nous nous classons dans l’entrée de gamme, contrairement aux tablettes déjà présentes sur le marché, de grandes marques et qui, par leurs prix, sont des produits haut de gamme.

Justement, on donne un peu vite le nom de première tablette africaine à la Way-C alors que la fabrication s’effectue en Chine. Surtout quand on sait que l’une des principales matières premières (le coltan) de l’électronique vient d’Afrique. Ne pouviez-vous pas confier la production de l’appareil à une usine congolaise ou un pays limitrophe ? 

Nous avons déjà pensé depuis le début de l’aventure à monter un jour une usine d’assemblage ici, au Congo. Ce qui ferait de mon pays un exportateur de produits informatiques… une première dans la région ! Mais le projet est trop coûteux pour le moment, et sans financement extérieur. Un tel projet avoisinerait les 2 millions d’euros. C’est Mission : Impossible pour le moment !
Notez que déjà l’usine actuelle, en Chine, où est assemblée la tablette a accepté de nous assister sur un tel projet…

Mais plus tourné vers l’Afrique encore, je planche sur un nouveau projet depuis peu, qui verra peut-être le jour en 2014/2015. Il se nomme « Bilé ». Il s’agit d’une tablette tactile dédiée à l’éducation. Elle sera dotée de 2 écrans (dont un 3D sans lunettes) et elle aura la peau dure… Comprenez par là que pour la casser, il faudra être déterminé !
Je suis déjà en train de négocier l’utilisation d’un brevet avec une société américaine et « Bilé » devrait être capable de créer toute seule son énergie. Pour cela, je négocie avec une entreprise européenne pour l’utilisation d’une technologie qui va dans ce sens. Et le tout devrait coûter… 100$ !
Elle ne sera vendue qu’aux gouvernements et ONG. Le but est que partout en Afrique et pourquoi pas dans le monde, aucun élève (de 6 à 25 ans) ne puisse manquer de manuel scolaire et/ou de connaissance.

Sur le plan hardware, 50% du travail est déjà fait en termes de conception et des prototypes devraient être réalisés d’ici à la fin de l’année. Sur le plan software, en revanche… tout est à faire. Je dois d’abord trouver les fonds (près de 2 millions d’euros en tout) dont le projet aura besoin pour les 3 ans à venir. Avant logiquement de recruter assez de monde pour ce projet. Sans ça, le projet tombe à l’eau.

L’Europe, le monde… puis un smartphone 

Dépassé par une demande croissante, VMK accélère donc la manœuvre autant qu’elle le peut. Mais cet engouement n’est pas seulement l’affaire de ses territoires de prédilection pour le lancement de la Way-C (Congo et 11 autres pays d’Afrique). « Nous venons de dépasser le cap des 10.000 réservations avec plus de la moitié venues d’Europe (dont près de 3500 pour la France), nous annonce fièrement Vérone Mankou. « Et, chose inattendue, nous avons maintenant des demandes de distribution dans l’Europe de l’est, le Vietnam, l’inde, et l’Amérique centrale ».

L’ambition du jeune entrepreneur ne s’arrête pas à la tablette — et ses déjà programmées déclinaisons futures — puisque la Way-C est suivie de près par un smartphone, qui voit sa date de lancement annoncée pour mars prochain.
Son nom de code « BX1 » et son look ne s’approche pas d’une vieille Citroën mais d’un AndroPhone au revêtement proche de celui de la tablette. Vérone Mankou le décrit comme un produit doté de « la puissance d’un iPhone 3GS, avec un écran de meilleur qualité et un prix très, très, abordable. »

watch?feature=player_embedded&v=LJI2ME8cT4o

Le jeune ingénieur camerounais de 24 ans a conçu la première tablette tactile africaine à usage médical. Son utilité, consulter les malades à distance et transférer, via le Gsm, les fréquences cardiaques des patients
Au Cameroun, il existe environ 30 cardiologues pour 20 millions d’habitants. La situation dans les zones rurales est encore plus inquiétante, où ces cardiologues ne s’y rendent pas toujours, préférant s’installer dans les grandes métropoles.D’autres sont nommés dans des ministères où ils officient comme cadres d’administration. Dans les rares hôpitaux qui ont un cardiologue, les files d’attente sont interminables et il n’y a pas toujours le matériel adéquat pour le diagnostic. « Je connais un directeur général qui, pendant trois jours, a cherché en vain à rencontrer un cardiologue à Yaoundé. Imaginez-vous si c’était un pauvre», observe Arthur Zang, le concepteur de Cardiopad. Conséquence, des milliers de Camerounais meurent chaque année d’accidents cardio-vasculaires ou de toute autre maladie liée au cœur, faute de soins.
Face à ce constat, Arthur Zang, 24 ans, ingénieur en Génie informatique et diplômé de l’Ecole nationale supérieure polytechnique de Yaoundé, a décidé de mettre un terme aux distances à parcourir par les patients pour rencontrer un cardiologue. Son stage académique à l’hôpital général de Yaoundé en 2010 y a été pour beaucoup. Il a donc conçu une tablette tactile : Cardiopad. Un terminal semblable aux tablettes tactiles occidentales, mais doté d’un système embarqué, qui permet de capter les fréquences cardiaques d’un malade et de transférer ces données, via le réseau GSm, à un cardiologue distant disposant aussi d’un Cardiopad. Le cardiologue analyse les résultats et prescrit la médication appropriée. Ainsi, un patient du village Gado à l’Est du pays, à de centaines de kilomètres de Yaoundé et Douala, n’aura pas à se déplacer vers la ville pour consulter. « Cela fait gagner en temps et en dépenses, sans compter les accidents de la route qu’on observe très souvent», explique Arthur Zang.
Mobil Cardio OCG
Etant donné que dans ce domaine l’erreur n’est pas permise et la qualité de la fréquence cardiaque devant donc être exacte, Arthur Zang a conçu un système d’acquisition, de traitement et de transmission via le réseau Gsm du signal cardiaque, mais aussi un logiciel (Mobil Cardio OCG). Il permet d’acquérir, d’amplifier, de filtrer les fréquences cardiaques d’un malade. Pour éviter les effets secondaires de l’appareil sur le patient, ce n’est pas Cardiopad qui est connecté au cœur du patient, mais un terminal doté d’un bluetooth : Cardiopad Acquisition Mobile (Cam). C’est ce Cam qui détient les câbles électrodes posés sur le cœur du patient et qui collecte les données et les transfère au Cardiopad via le bluetooth.Le logiciel Mobil Cardio OCG a d’ailleurs été la réalisation professionnelle du mémoire d’Arthur Zang soutenu en 2010 au terme de sa formation avec mention Très bien. « En cinquième année à l’Ensp, je soutiens un mémoire d’ingénieur de conception et le thème de la soutenance est : ’’Conception et réalisation d’un système d’acquisition, de traitement et de transmission via le réseau Gsm du signal cardiaque’’. Je réalise donc le logiciel Mobil Cardio OCG qui permet, à partir d’un ordinateur, de faire des examens cardiaques à un patient et de les transmettre à un ordinateur via un modem. Après ma sortie de l’école, bien que le logiciel soit déjà fonctionnel, j’étais convaincu je n’avais pas réalisé mon travail à 100%. C’est ainsi que je rentre à nouveau au laboratoire de l’Ecole pour un an afin de continuer mes recherches pour améliorer mon logiciel. C’est là que j’ai eu l’idée de la tablette tactile, qui aura plus de mobilité et qui sera dotée de son système d’exploitation et de ses propres programmes afin qu’on n’ait plus besoin de se déplacer avec les ordinateurs », raconte Arthur Zang. N’étant pas doté de connaissances en électronique, il s’inscrit dans une université indienne et suit à distance des cours d’électronique numérique et de systèmes embarqués. C’est au terme de cette formation qu’il conçoit la tablette tactile Cardiopad sur le plan électronique. Il commande les composants en Chine pour le prototype à hauteur de 600 000 F Cfa. Il assemble ce matériel, y installe son système d’exploitation et ses programmes logiciels. Il crée ainsi la première tablette tactile camerounaise à usage médical. Le prototype est un écran tactile Lvds Lcd de 10 pouces. Toutefois, l’ingénieur indique qu’il peut avoir plusieurs tailles. « Nous prévoyons une version de 10 pouces pour infirmiers et une autre de sept pouces pour les cardiologues », affirme-t-il.Actuellement, le travail est terminé et Arthur pense uniquement à la forme que va avoir le boîtier de l’appareil, dont le prototype définitif sera disponible dès le 26 novembre 2011. Combien coûtera-t-il ? « Il ne sera pas trop cher. En général, les appareils médicaux coûtent très cher. L’électrocardiographe, par exemple, ne permet pas le transfert des résultats cardiaques ni la sauvegarde de ces résultats. Il permet juste d’analyser et d’imprimer les résultats et coûte au minimum deux millions de F Cfa. Cardiopad sera beaucoup moins cher », explique le concepteur.

Cardiopad fait donc transiter les fréquences cardiaques du malade dans un premier temps vers les serveurs où elles sont stockées, traitées avant d’être transmises au cardiologue à partir du réseau Gsm. Celui-ci détient aussi un Cardiopad, où il reçoit les résultats, les interprète et prescrit une médication. Une encyclopédie de maladies cardiovasculaires est intégrée dans l’appareil pour aider le cardiologue à faire son diagnostic. « L’acquisition se fait par bluetooh et il n’y a pas de perte dans le signal envoyé », rassure Arthur Zang, qui a déjà testé Cardiopad plus d’une fois.

Reconnaissance
Le directeur technique de Microsoft Afrique centrale, Alain Sosso, a rendu visite à ce jeune inventeur à l’Ensp il y a quelques mois. Il confie que c’est un projet intéressant pour le Cameroun et l’Afrique. Il lui a prodigué quelques conseils pour améliorer son projet. « Il faut intégrer à Cardiopad une intelligence d’acquisition. Qu’elle soit analogique ou numérique. On doit pouvoir à terme se libérer de la contrainte d’un cardiologue », a-t-il conseillé. En clair, le système doit enregistrer systématiquement le diagnostic et les prescriptions faites par le cardiologue pour un type de fréquence X. De telle sorte que lorsque le Cardiopad détecte à nouveau les mêmes fréquences cardiaques X chez un autre patient, il puisse être à mesure de dire que pour ce type de données, le cardiologue Y avait fait tel diagnostic et prescrit tel médicament. Ce que Arthur Zang a noté. « Ce n’est pas impossible, rassure-t-il, nous avons les capacités de le faire et nous allons le faire. Pour l’instant, l’objectif c’est de résoudre le problème de distance et nous allons évoluer graduellement vers cela.»Présenté à la compétition internationale Imagine Cup 2011 aux Etats-Unis, ce projet, explique Fatimatou Sow, responsable des relations publiques de Microsoft Afrique, a été retenu premier dans la catégorie Développement embarqué. La compétition réunissait les meilleures écoles des pays avancés en matière de technologie tels que la Corée du Nord, le Japon, l’Inde, la Chine ou encore les Etats-Unis. Mais, parce qu’il n’a pas eu de challengers dans cette catégorie en Afrique, il n’a pas été choisi pour la finale. Car il faut absolument un concours régional pour être sélectionné, explique Arthur Zang. En effet, les Africains engagés dans cette compétition avaient tous choisi la catégorie conception logicielle, moins compliquée que sa catégorie. 100 000 dollars étaient en jeu.Actuellement, Arthur Zang est en quête de financement pour concrétiser son projet. Son rêve, doter toutes les régions du Cameroun en centres de « télécardiologie ». « Avec 25 000 ou 30 000 euros (16 250 000 F Cfa), je peux produire 20 ou 25 tablettes Cardiopad. Certains Cardiopad seront destinés aux cardiologues et d’autres dans les centres de « télécardiologie » de chaque région. Donc, avec 25 000 ou 30 000 euros, je peux couvrir la totalité du territoire camerounais avec au minimum deux centres de télémédecine par région », explique-t-il. Contrairement aux tablettes tactiles occidentales qui servent à communiquer avec des proches, à travailler ou encore à frimer, Cardiopad, première tablette tactile camerounaise et africaine à usage médical, est destiné à sauver des vies humaines. Le bijou ne sera pas seulement utile au Cameroun, mais au monde entier.

La littérature moderne d’Afrique noire se situe au confluent de divers courants: ses propres traditions locales et diverses; l’impact des mondes islamiques et arabes; l’influence omniprésente du colonialisme européen et du christianisme. Les Africains se sont montrés particulièrement prolifiques depuis la Seconde Guerre mondiale; utilisant le français, l’anglais, le portugais et plus de quarante langues africaines, ils ont composé de la poésie, de la fiction, du théâtre, et inventé des formes d’écriture pour lesquelles il n’existe pas de descriptif dans le monde littéraire européen. Leurs œuvres dressent le portrait de la réalité politique et sociale moderne, et s’attachent aux systèmes de valeurs, qu’ils soient ou non africains. Dans le même temps, leurs écrits sont fondés sur les traditions indigènes et des visions du monde typiquement africaines.

Bien avant l’arrivée des Européens, avant même le développement de l’écriture, les peuples de l’Afrique sub-saharienne ont exprimé de façon artistique leurs pensées, leurs sentiments et leurs préoccupations les plus profonds, sous la forme de mythes, de légendes, d’allégories, de paraboles et de contes, de chants et de mélopées, de poèmes, de proverbes, de devinettes et de théâtre. Certaines formes traditionnelles de la littérature orale ont survécu jusqu’à nos jours, tandis que des formes nouvelles ne cessent d’apparaître. Elles expriment aussi bien des thèmes contemporains que des thèmes du passé. Leurs styles sont influencés par le monde extérieur, comme par les différentes cultures présentes en Afrique. Elles se sont adaptées aux influences modernes, et influencent elles-mêmes les différents modes d’écriture contemporains. Les littératures traditionnelles fournissent la trame des nouvelles structures, des nouvelles techniques et des nouveaux styles qui transcendent les modèles littéraires figés imposés par l’Europe.

La tradition orale

La tradition orale est un témoignage qu’une génération transmet à la suivante, ce qui comprend non seulement ce que l’on raconte des événements du passé, mais aussi toute une littérature orale où l’imagination a sa part. Il ne faut pas envisager l’oralité comme l’absence d’écriture, ce qui serait la définir de façon négative, par un manque; en réalité, la tradition africaine de littérature orale est aussi riche en contenu et en variété que celle de n’importe quelle autre sphère culturelle qui utilise l’écriture.

Cependant, son étude fait l’objet d’une méthodologie différente qui doit s’accommoder de la forme même de la transmission des traditions, mythes, contes, etc. Cette tradition est moins connue du monde occidental que l’art africain, car elle a été peu étudiée et n’a pas connu les mêmes formes de diffusion. Les récits en prose – mythes, légendes, contes folkloriques, anecdotes et plaisanteries – sont les formes de littérature orale qui ont fait l’objet de la plus vaste collecte, mais on trouve dans la société africaine d’autres formes d’expression, tout aussi importantes. Ce sont les proverbes, les devinettes, les textes de chanson et de drames, la poésie, les noms faisant l’éloge des individus (titres honorifiques), et les phrases très difficiles à prononcer. Ces formes à la base homogène sont remarquablement vivaces, même auprès des habitants des villes malgré les rapides évolutions culturelles que connaissent les zones urbaines. De fait, certains gouvernements se sont appuyés sur la littérature traditionnelle pour promouvoir des idées d’identité et de solidarité nationalistes. L’influence de l’héritage oral se fait nettement ressentir dans les thèmes, le style, et l’esprit des œuvres de nombreux écrivains contemporains.

Mythes et légendes

On a estimé qu’il existait en Afrique plus de deux cent cinquante mille mythes, légendes et contes populaires. Dans la plupart des récits en prose, on remarque le même genre – des intrigues – et le même contenu – péripéties, personnages et objets – que ceux que l’on retrouve dans d’autres sphères culturelles de l’Ancien Monde, unité résultant du brassage des cultures. Pourtant, chaque société africaine a modelé ces éléments au sein de sa propre littérature, en fonction de ses propres modes de pensée, comme le dit un initié peul: «Le savoir est connaissance de l’homme, mais aussi de tout ce qui n’est pas l’homme, car il lui a été donné de connaître ce qui n’était pas lui» (Amadou Hampaté Bâ, Koumen).

Parmi les plus célèbres mythes transcrits par des ethnologues figurent les mythes dogons; dans leur ouvrage le Renard pâle, Marcel Griaule et Germaine Dieterlen définissent ainsi les mythes: des «explications indigènes des manifestations de la nature (anthropologie, botanique, zoologie, géologie, astronomie, anatomie et physiologie) comme des faits sociaux (structures sociales, religieuses et politiques, techniques, arts, économie, etc.)». Les mythes et les légendes sont donc rarement différenciés de l’Histoire dans les classifications indigènes, mais considérés au contraire comme de vrais récits historiques que l’on distingue des contes populaires, supposés fictifs. Les contes magiques mettant en scène des animaux comme la tortue, le lièvre, le lapin, le chevreau ou l’araignée sont les plus connus des récits africains.

Dans les récits magiques mettant en scène des hommes et des dieux, on trouve principalement des rois et des roturiers, des jumeaux, des chasseurs, des ogres, et le «petit peuple».

Proverbes, devinettes et contes

Les proverbes sont souvent employés pour renforcer des arguments, et pour enrichir la conversation. Les utiliser avec habileté est, dans les sociétés africaines, un signe d’érudition et d’élégance dans l’expression. De nombreux proverbes sont très subtils, et ne peuvent être compris que par les auditeurs familiarisés avec la culture de celui qui les énonce; aussi, l’étude des proverbes offre-t-elle une vision précise des valeurs de base d’un groupe culturel.

Les devinettes ont été beaucoup moins étudiées que les proverbes, car elles sont principalement utilisées par les enfants. Elles sont plutôt formulées comme des assertions que comme des questions, et la relation entre l’interrogation et la réponse peut être subtile au point de nécessiter une connaissance approfondie de la matrice culturelle. On rencontre aussi des devinettes d’intonation (assertions reliées entre elles uniquement par la similarité de l’intonation), ou des devinettes-proverbes (adages liés par le sens, mais qui peuvent être utilisés indépendamment). Parfois les devinettes ne sont pas destinées à surprendre l’auditoire, mais à établir une sorte de dialogue social, dans lequel les réponses sont connues de tous, et proférées à l’unisson. Dans la plupart des sociétés africaines, la plupart des membres du groupe connaissent les devinettes.

Le conte, élevé en Afrique au rang des beaux-arts, peut, dans certaines sociétés, être rapporté par des conteurs professionnels. Les contes populaires sont généralement racontés le soir durant la saison sèche, et l’interaction entre le narrateur et l’auditoire atteint souvent des sommets d’intensité dramatique. Le bon conteur est un acteur consommé, utilisant ses mains, sa voix et son corps pour renforcer ses effets, quand il mime les tours du magicien, ou la traque du chasseur. Les devinettes précèdent souvent la narration, et le conte est ponctué de musique et de chants, avec la participation du public. L’auditoire peut répondre à une question du narrateur, ou faire office de chœur en accompagnant les chansons en solo. Au fur et à mesure du déroulement de l’histoire, le public peut manifester son approbation ou critiquer le narrateur s’il juge sa performance insatisfaisante.

Fonctions de la tradition orale

Les différentes formes de littérature orale remplissent plusieurs fonctions dans la société africaine. Sources de distraction, elles ont également une valeur éducative pour les jeunes, diffusent les rituels et les croyances, encouragent la conformité aux normes culturelles, et apportent un soulagement psychologique dans un cadre institutionnalisé. Souvent, une consigne de bonne éducation est ajoutée à la fin des contes racontés aux enfants, pour insister sur ses implications morales. Les devinettes servent à dégourdir l’esprit des jeunes gens, tout comme les énigmes dont on ignore la réponse, qui ont la même fonction auprès de leurs aînés. Les mythes font autorité en matière de croyance surnaturelle et de pratique rituelle, et servent à justifier la propriété terrienne, la position sociale et l’autorité politique. Les proverbes peuvent être utilisés dans la conversation courante pour guider, encourager, complimenter, admonester ou désapprouver. Ils sont parfois cités dans les tribunaux comme précédents dans le déroulement d’une plaidoirie, ou utilisés comme artifices rhétoriques pour impressionner les juges. Des associations de théâtre chez les peuples parlant la langue ibibio (sud-est du Nigeria) utilisent des pièces satiriques jouées par des humains et des marionnettes pour exercer une pression sociale sur des personnes ou des groupes ne parvenant pas à se conformer aux préceptes culturels.

Enfin, les distorsions de la réalité culturelle présentes dans les contes peuvent symboliser l’accomplissement d’un désir. Les personnages des contes agissent souvent comme les gens souhaiteraient le faire s’ils n’en étaient empêchés par les limitations sociales. Ainsi, le conte joue également un rôle de catharsis.

La littérature écrite

Les courants de la littérature écrite, comme ceux de la littérature orale, remontent loin dans le passé. Antar (Antara ibn Shaddad al-Absi), un guerrier-poète afro-arabe mort en 615, avant l’avènement de l’islam, est au centre d’un célèbre récit épique intitulé le Roman d’Antar, 10 volumes, 1865-1877; Antar, le roman d’un bédouin, 4 volumes, 1819-1820 (un tiers de traduction intégrale). Certaines parties de ce prototype de roman de chevalerie arabe ont été écrites par Antar lui-même. Ses narrateurs ont créé leur propre style et ont été baptisés «antaristes» antariyya. Certains des vers d’Antar et d’autres poèmes du long Roman font référence à ses origines africaines, et c’est la première œuvre classique dans laquelle on trouve trace de préjugés liés à la couleur de la peau. Le poète noir Abu Dulama ibn al-Jaun, mort en 777, composa des vers plein d’esprit pour la cour abbasside de Bagdad. Ziryab (Abul Hasan Ali ibn Nafi), un Afro-Persan connu sous le nom de «Rossignol noir», se rendit en 822 en Espagne, où il contribua de façon considérable à l’évolution de la poésie, de la musique et du chant en Andalousie.

Tous ces poètes étaient nés esclaves. D’autres écrivains africains déracinés se firent connaître dans différentes parties de l’Europe, et plus tard aux Amériques. Parmi eux, citons Juan Latino (né en Guinée), qui écrivait en latin, et Afonso Alvares, le premier à écrire dans une langue européenne (le portugais). L’expérience de l’esclavage puis de l’affranchissement a inspiré ce qui est sans doute le premier récit d’exil africain composé dans une langue européenne: The Interesting Narrative of the Life of Olaudah Equiano or Gustavus Vassa the African, Written by Himself (1789). Dans cette autobiographie, Equiano décrit son enfance au Nigeria, son enlèvement, sa vie d’esclave dans le Sud américain et dans les Caraïbes, et enfin sa vie d’homme libre en Grande-Bretagne.

Les premières traces de littérature écrite en Afrique remontent au XVIIIe siècle, avec un manuscrit en swahili Ubendi wa Tambuka («le poème épique de Tambuka»), daté de 1728.

Au XIXe siècle, on compte la poésie de Joaquim Dias Cordeiro da Matta (Angola) et de Caetano da Costa Alegre (São Tomé), ainsi que diverses œuvres en xhosa d’Africains du Sud: poèmes et récits autobiographiques et de fiction de Samuel E. K. Mqhayi; poèmes et hymnes de Kobe Ntsikana; poésie didactique de William W. Gqoba; écrits contestataires de Hadi Waseluhlangani qu’on appelait «la Harpe du peuple».

Les pionniers du XXe siècle

Parmi les auteurs pionniers de la littérature noire africaine moderne d’avant 1945 se détachent quatre figures, dont trois s’expriment dans des langues africaines.

Le premier romancier moderne du continent à atteindre une reconnaissance internationale, Thomas Mofolo (Afrique du Sud), a écrit trois importants ouvrages de fiction en sotho du sud: Moeti oa bochabela (1907, le Voyageur de l’Est, 1934), récit allégorique de la vie africaine dans l’ancien temps et de la conversion des Africains au christianisme; Pitseng (1910), une histoire d’amour dans un village relatant l’éducation et la cour amoureuse de deux jeunes gens; et le plus célèbre des trois,Chaka (1925), une biographie romancée de la grande figure héroïque de l’histoire zouloue, parue pour la première fois en 1925, traduite ensuite dans de nombreuses langues européennes. Dans les trois romans, on retrouve l’expression de la culture chrétienne de Mofolo, mais également la révélation d’une identification profonde avec son propre peuple et ses traditions culturelles.

Jean-Joseph Rabéarivelo (Madagascar) offre un tragique exemple de l’impact du colonialisme sur un esprit imaginatif et impressionnable. Rabéarivelo apprend le français en autodidacte, et rêve de rencontrer les poètes français qu’il admire de loin. Son pays devient pour lui une prison physique, morale et intellectuelle, ce qui le conduira au désespoir, puis au suicide. Bien qu’il tire son inspiration des poètes de France, il intègre dans son œuvre la qualité de la forme poétique orale malgache «hain-teny», et développe la technique de la métaphore filée. Sa poésie devient le substitut de la liberté qu’il est persuadé ne jamais devoir connaître. L’essentiel de son œuvre se compose de quatre volumes: Sylves (1927), Volumes (1928), Presquesonges (1924, publié en 1934), et Traduit de la nuit (1935).

Robert Shaaban (Tanzanie), est le premier écrivain africain en swahili à aborder des genres différents, inspirés autant de modèles anglais qu’africains. C’est un maître en techniques traditionnelles, mais il écrit plus pour être lu que pour être chanté. Shaaban est le premier à militer pour la reconnaissance du swahili comme langue principale de toute l’Afrique de l’Est, et il écrit des nouvelles et des poèmes pour un public qui, comme lui, n’a pas suivi d’enseignement supérieur. Ses essais, traitant de sujets très divers, sont rassemblés dans Kielezo cha Insha (1954, «essais modèles»), et ses autres œuvres dans une série de volumes intitulés Diwani ya Shaaban (à partir de 1959).

La fiction moderne en prose en yorouba connaît ses véritables débuts en 1939, quand Olorunfemi Fagunwa (Nigeria) écrit Ogboju Ode Ninu Igbo Irunmale, traduit par Wole Soyinka sous le titre The Forest of a Thousand Daemons (1968). Un vieux chasseur y raconte ses aventures dans la forêt vierge.

Beaucoup de ses récits sont des contes populaires, illustrant les croyances yorouba en matière d’esprits, de fantômes, et des choses étranges qui peuvent arriver dans la forêt. En même temps, le livre dépeint les problèmes ordinaires de la vie quotidienne dans les foyers traditionnels, le tout ponctué de réflexions morales ou éthiques. Les trois romans suivants de Fagunwa – Igbo Olodumare (1946, «la forêt du Seigneur»), Ireke-Onibudo (1948, «le bâton du garde»), et Irinkerindo Ninu Igbo Elegbeje: Apa Keta Olodumare (1954, «aventures dans la forêt d’Elegbeje») – sont tous l’histoire d’une quête. Sa dernière œuvre, Adiitu Olodumare (1961, «le secret de Dieu»), est plus réaliste. Fagunwa a montré comment les bases de la culture populaire pouvaient être intégrées à la fiction moderne. Ce faisant, il a su convaincre les Yoroubas instruits de la valeur de leur héritage traditionnel, et a exercé une influence importante sur d’autres écrivains nigerians.

La fiction moderne

Suivant la trace de Fagunwa, et utilisant fréquemment les mêmes éléments, Amos Tutuola (Nigeria) est l’auteur de six œuvres de fiction en anglais qui ont retenu l’attention au niveau international: l’Ivrogne dans la brousse (1952, traduit en français par Raymond Queneau, titre original The Palm Wine Drinkard); My Life in the Bush of Ghosts (1954, «ma vie dans la brousse des fantômes») ; Simbi et le satyre de la jungle noire (1955, Simbi and the Satyr of the Dark Jungle); The Brave African Huntress (1958, «la vaillante chasseresse africaine») ; The Feather Woman of the Jungle (1962, «la femme-plume») ; Ajayi and His Inherited Poverty (1967, «comment Ajaiyi reçut la pauvreté en héritage»). Tous ces récits sont des quêtes mystiques, des romans qui exploitent des contes et légendes yoroubas, dans un anglais qui ressemble à l’idiome populaire, mais qui utilise abondamment les références modernes – les rayons X, les fils électriques, le klaxon, et «le fantôme dont les mains sont des téléviseurs».La parution en 1958 de Le monde s’effondre (Things fall apart), de Chinua Achebe, marque l’essor du roman moderne d’Afrique noire en anglais. Achebe a mis dans sa fiction tout le monde africain, et son style doit beaucoup à la tradition orale en dialecte, à l’usage des proverbes, au rythme et à la teneur de la parole. Le monde s’effondre raconte l’histoire du désarroi d’une petite communauté du Nigeria, jusque-là soudée et bien organisée, au moment où les premiers missionnaires et les fonctionnaires coloniaux persuadent certains autochtones d’abandonner leurs croyances traditionnelles. Le Malaise (1960, No longer at Ease) est une suite, centrée sur un jeune homme pétri d’aspirations européennes, qui revient dans son village après avoir fait des études en Angleterre. La Flèche de Dieu (1964, Arrow of God) montre le christianisme comme une force de division dans la société africaine. La lutte entre les dieux a été complètement resituée dans l’arène politique.

Dans les années 1960, les écrivains de fiction d’expression anglaise tournent leur attention vers des problèmes plus contemporains. Dans le Démagogue (1966, A Man of the People), Achebe utilise la satire pour critiquer le gouvernement corrompu et la politique d’appareil. Le roman les Interprètes (1965, The Interpreters), de Wole Soyinka (Nigeria), offre une vue kaléidoscopique de la vie urbaine en Afrique, par l’intermédiaire des mésaventures simultanées de cinq différents «héros». Saison d’anomie (1973, A Season of Anomy) est une allégorie illustrant les expériences du Nigeria sous des gouvernements civils et militaires autoritaires. Les romans de Ayi Kwei Armah (Ghana) – Deux mille saisons (1973-1974, Two Thousand Seasons), Fragments (1970), et L’âge d’or n’est pas pour demain (1969, The Beautiful Ones Are Not Yet Born) – offrent une reconstruction et une évaluation visionnaire du passé, et simultanément, une vision très réaliste de la corruption et du déclin moral de l’Afrique indépendante. Le roman allégorique This Earth, My Brother… (1971), de

Kofi Awoonor (Ghana), décrit la dépression mentale d’un jeune homme au milieu de la confusion morale ambiante.

La fiction noire africaine d’expression française insiste sur la lutte contre le colonialisme, la recherche d’identité et le combat contre la tyrannie après l’indépendance. Mongo Beti (Cameroun) a tenté de détruire les prétendants à la supériorité politique, culturelle et spirituelle. Ses nouvelles font exploser à la fois les mythes chrétiens et coloniaux. Ville cruelle (1954) décrit la vie de paysans africains dans une exploitation de bois appartenant à des Européens. Le Pauvre Christ de Bomba (1956), Mission terminée (1957), et le Roi miraculé: Chronique des Essazam (1958) sont des études satiriques des absurdités et de la cruauté de la loi coloniale.

Remember Ruben (1974, le titre est en anglais) et Perpétue (1974) traitent de la lutte juste avant l’indépendance, et de l’impact de la loi autoritaire sur les individus. La Ruine presque cocasse d’un polichinelle (1979) reprend les mêmes thèmes, mais se déroule pendant l’indépendance.

Le style de Ferdinand Oyono (Cameroun), d’un réalisme voulu, agrémenté d’un humour mordant et d’un don d’observation sans pitié, domine ses principaux romans, Une vie de boy (1956), le Vieux Nègre et la Médaille (1956), et Chemins d’Europe (1960). La reconstitution pleine d’imagination d’une vision du monde et d’une réalité authentiquement africaines imprègne l’œuvre de Camara Laye (Guinée), que ce soit dans l’autobiographie émouvante et pleine de poésie intitulée l’Enfant noir (1953), ou dans le Regard du roi (1954), une allégorie complexe de l’interaction entre les valeurs africaines et européennes.

Ousmane Sembène (Sénégal) a connu une renommée internationale à la fois en tant que réalisateur de films, et en tant que romancier. Ses romans le Docker noir (1956), Ô pays, mon beau peuple! (1957), les Bouts de bois de Dieu (1960), l’Harmattan (1964), et le Dernier de l’empire (1981) sont conçus comme des épopées combinant la ferveur révolutionnaire et une vision particulièrement humaniste, allant bien au-delà du récit réaliste dans la description des forces et des faiblesses de l’être humain, de l’héroïsme et de la solidarité communautaire.

Ngugi wa Thiong’o (Kenya) est devenu le principal romancier moderne de l’Afrique orientale. Ses trois premiers livres décrivent des Africains sous la férule coloniale. Enfant, ne pleure pas (1964, Weep not, Child) est une histoire de pauvreté et de souffrance durant la guerre d’indépendance de son pays. La Rivière de vie (1965, The River Between) se déroule durant la fondation du Mouvement kikuyu pour les écoles indépendantes, tentative d’offrir une alternative à l’enseignement missionnaire. Et le blé jaillira (1967, A Grain of Wheat) est un récit compliqué et fort de trahison et de souffrance dans les soubresauts de l’indépendance. Les thèmes centraux de Ngugi sont le pouvoir politique et le mouvement de l’Histoire, tandis que la terre reste son principal symbole. Pétales de sang (1977, Petals of Blood) et Caitaani Mutharabaini (1980, écrit en kikuyu et traduit sous le titre le Diable sur la croix), sont des critiques virulentes du Kenya indépendant.

Le roman de l’écrivain soudanais al-Tayyib Sâlih, Mawsim al-hijra ilâ al-shimâl(1966, la Saison de la migration vers le nord) s’inspire dans sa forme du récit à la première personne dans le style de Conrad, dont il propose une interversion mimétique intéressante. Le roman part du cœur de l’Europe pour retourner au village natal du narrateur.

L’Afrique du Sud est riche de fiction en langues africaines, avec notamment les œuvres de A. C. Jordan et de Jordan K. Ngubane. Le roman de A. C. Jordan, Inggoubo yeminyaya (1940, «la colère des esprits ancestraux»), est devenu un classique de la fiction moderne xhosa. Celui de Ngubane, Uvalo Lwezinhlonzi (1957, «d’un regard, il provoquait la terreur»), écrit en zoulou, fut suivi de Ushamba: The Hurtle to Blood River, écrit en anglais (1974, édition révisée en 1979), ouvrage interdit en Afrique du Sud.

Le premier roman d’un écrivain noir d’Afrique du Sud à connaître un succès international fut Mine Boy (1946), de Peter Abrahams. Parmi ses œuvres, écrites pour la plupart alors qu’il vivait au Ghana, en Grande-Bretagne ou à la Jamaïque, on compte également Rouge est le sang des Noirs (1946), A Wreath for Udomo (1956), Wild Conquest (1950), le Sentier du tonnerre (1948, The Path of Thunder), et les deux romans autobiographiques Je ne suis pas un homme libre (1954, Tell Freedom), et Return to Goli (1953).

Les courts romans d’Alex La Guma offrent une peinture intense des réalités particulières de la vie en Afrique du Sud sous le régime de l’apartheid, mais vont bien au-delà des limites du naturalisme en plongeant un regard profond et dérangeant au cœur de l’humanité. A Walk in the Night (1962) et And a Threefold Cord (1964) décrivent la vie dans le ghetto du Cap. The Stone Country (1967) est inspiré de manière très réaliste de la propre expérience de La Guma en prison. In the Fog of the Season’s End (1972) a pour sujet la lutte activiste en Afrique du Sud, et Time of the Butcherbird (1979) traite de la ségrégation géographique et du déplacement forcé des populations noires vers les «homelands». Bessie Head, également sud-africaine de naissance, a passé pratiquement toute sa vie au Botswana; les thèmes de l’exil et de l’éloignement sont au centre de ses romans When Rainclouds Gather (1969), Maru (1971) et A Question of Power (1974). Le Zimbabwéen Dambudzo Marechera, mort du sida en 1987, trace une violente critique de la misère dans la Maison de la faim (1999, The House of hunger).

Es’kia Mphahlele est le plus célèbre des écrivains noirs d’expression anglaise d’Afrique du Sud. Son roman, Down Second Avenue (1959) est un chef-d’œuvre autobiographique, et il a été suivi d’un second ouvrage du même genre, Afrika My Music: An Autobiography, 1957-83 (1984). Mphahlele a également écrit des essais de critique littéraire: Voices in the Whirlwind (1972), et The African Image (1962, édition revue en 1974), et a traité le thème de l’exil dans deux romans: The Wanderers (1971) largement inspiré de son propre exil; Chirundu (1980), situé en Zambie, qui évoque le destin de deux Noirs exilés d’Afrique du Sud, dont l’un conclura que connaître à nouveau la détention et la torture est encore préférable à l’exil loin de son pays.

La nouvelle est une forme littéraire qui a fourni une riche moisson à l’Afrique du Sud. Celles de Mphahlele ont été rassemblées dans les recueils Man Must Live, and Other Stories (1947), et The Living and The Dead (1961). Nat Nakasa, Can Themba, Arthur Maimane, Bloke Modisane, Richard Rive, et Alex La Guma, ont entre autres, eux aussi produits des petits chefs-d’œuvre de ce genre.

D’expression portugaise, Bernardo Honwana du Mozambique s’est fait connaître lui aussi pour ses nouvelles. En Angola, José Luandino Vieira, s’est fait remarquer avec Luuanda (1964), trois longs contes qui restituent le langage et la vie des habitants pauvres des villes, tandis que Manuel Rui, dans le Porc épique (1999, Quem me dera ser onda) critique avec férocité la bureaucratie durant l’ère socialiste, dans une satire de laquelle ne sont pas exclues la tendresse et la réflexion philosophique.

La poésie moderne

La poésie africaine d’expression française est née en dehors du continent, parmi des auteurs qui ont tenté de redécouvrir leur identité africaine, de réaffirmer un sens perdu de la dignité, et de proclamer l’héritage de l’histoire et de la culture africaines aux yeux du monde dominé par l’Europe qui niait son existence. Dans son célèbre Cahier d’un retour au pays natal (1939), c’est le poète antillais Aimé Césaire qui a donné le nom de négritude, à cette affirmation de l’identité africaine.

Pour Leopold Sédar Senghor (Sénégal), le concept devient un thème à la fois esthétique et mystique; dans son essai l’Esthétique négro-africaine (1956), il tente de définir la négritude, qu’il a

illustrée dans son Anthologie de la nouvelle poésie noire et malgache de langue française (1948). Cette anthologie ainsi que ses propres recueils de poèmes Chants d’ombre (1945), Éthiopiques (1956), et Nocturnes (1961) ont fait de lui le chantre de cette négritude que l’on retrouve dans les poèmes de trois autres Africains de l’ouest:

Birago Diop, David Diop et Bernard Dadié. Le poème Souffles (1947), de Birago Diop, est souvent cité comme exemple de ce mouvement littéraire. Tchicaya U Tam’si (Congo), entremêle les influences du surréalisme, de Césaire, du symbolisme français, de l’imagerie catholique romaine, du paysage congolais et de l’angoisse de l’exil dans cinq puissants recueils de poésie – Feu de brousse (1957), À triche-cœur (1958), Épitomé: les mots de tête pour le sommaire d’une passion (1962), le Ventre (1964), et l’Arc musical (1969).

La poésie africaine d’expression anglaise traite de thèmes similaires. On y trouve souvent en plus un certain sens de l’humour, parfois amer et sardonique, parfois chaleureux et réellement comique.

Christopher Okigbo (Nigeria) semble échapper à l’aliénation et à la frustration des générations précédentes. Ses œuvres les plus connues, Heavensgate (en quatre parties, 1962), et Limits (1964), ont pour thèmes le supplice, l’angoisse, et la purification.

Deux recueils, Idanre (1967), Idanre and Other Poems (1967), et A Shuttle in the Crypt (1942), ont fait de Wole Soyinka un des plus importants poète nigerian. The House by the Sea (1978), ouvrage marquant de Kofi Awoonor, comprend une série de poèmes puissants écrits durant l’année où il a été emprisonné par un gouvernement militaire.

La poésie sud-africaine d’expression anglaise déborde de la passion de la contestation et du caractère poignant de l’exil. Dennis Brutus a publié différents recueils – Sirens, Knuckles and Boots (1963), Letters to Martha and Other Poems from a South African Prison (1968), Thoughts from Abroad (1970), A Simple Lust (1973), Strains (1975; édition révisée en 1982), et Stubborn Hope (1978) – qui évoquent l’emprisonnement, la révolution, la libération, et l’expérience de l’exil. Arthur Nortje, décrit par Brutus comme «peut-être le meilleur poète sud-africain de notre temps», a subi l’exil forcé et s’est donné la mort en 1970; ses poèmes sont rassemblés sous le titre de Dead Roots (1973). À l’instar de Brutus, d’autres poètes importants ont quitté l’Afrique du Sud pour écrire depuis leur lieu d’exil: parmi les œuvres de Mongane Serote, on trouve un important recueil de poésie, Tsetlo (1975), et un roman, To Every Birth its Blood (1981); parmi celles de Keorapetse Kgositsile, on remarque les poèmes rassemblés dans Spirits Unchained (1969), For Melba (1970), My Name is Afrika (1971), The Present Is a Dangerous Place to Live (1974), et Herzspuren (publié en Allemagne en 1980); Mazisi Kunene, poète et érudit de la littérature zouloue, s’exprimant en zoulou et en anglais, a tenté dans deux poèmes épiques de grande envergure – Emperor Shaka the Great (1979) et Anthem of the Decades (1981) – de restituer l’esprit, la substance, et les techniques de la tradition orale zouloue.Le nombre de poètes africains lusophones a considérablement augmenté au cours du XXe siècle. Parmi les plus célèbres dans les années précédant la Seconde Guerre mondiale, citons Eugenio Tavares et Jorge Barbosa, tous deux originaires du CapVert, le poète et folkloriste aveugle Oscar Ribas, de l’Angola, Rui de Noronha, du Mozambique, et Francisco José Tenreiro, de São Tomé.

Le passage à la période moderne s’effectue à travers l’œuvre de Mario da Andrade (Angola), pas seulement par le biais de sa propre poésie, mais par celui de son anthologie riche et originale, Literatura africana de expressão portuguesa (1967-1968). Parmi les poètes contemporains, on distingue Agostinho Neto (le premier président de l’Angola), Valente Malangantana et José Craveirinha, du Mozambique, ainsi que l’Angolais Antonio Cardoso.

Le théâtre

Bien que l’art dramatique soit un genre florissant dans l’Afrique d’aujourd’hui, le théâtre sous forme de textes littéraires édités reste rare. Du point de vue de la culture africaine, les deux éléments ne sont pas contradictoires. Le théâtre est l’un des arts du spectacle les plus complexes et multidisciplinaires, et son développement remonte fort loin dans les traditions de l’Afrique noire. Le ntsomi était une forme d’expression xhosa, comme l’étaient les mascarades du Nigeria. La pièce zouloue Umxakazawakogingqwayo a été transcrite d’après une représentation orale de la fin du XIXe siècle. Le conte populaire, le chant des louanges ainsi que certains rituels et cérémonies avaient eux aussi un côté théâtral. Ils combinaient le chant, la musique, le mime, la parole scandée, la danse, et d’autres formes d’action symboliques, et s’accompagnaient de costumes, d’accessoires et de masques, tout en utilisant tous les éléments – intrigues, presonnages et action – qui se combinent au spectacle pour en faire du théâtre. Ils ont perduré jusqu’à nos jours, intégrant des éléments contemporains et souvent aussi des influences extérieures, à leurs modes et techniques de représentation. Ces traditions ont également donné naissance à de nouvelles formes modernes, telles que la «concert party» au Ghana, et le «folk opera» yorouba au Nigeria, qui ne se prêtent pas aisément à la publication de textes imprimés.

Les arts du spectacle africains se sont également développés sous la forme de pièces bibliques librement inspirées des Écritures, souvent pleines d’humour grivois, et dans lesquelles la musique africaine et les chants tiennent une place importante. Dans les années 1940 et 1950, Hubert Ogunde a sécularisé ce type de théâtre, le transformant tout d’abord en divertissement populaire, puis en critique sociale judicieuse, humoristique et efficace. Ogunde, imité par Kola Ogunmola (Nigeria), qui travaille dans la même veine, sont les créateurs du folk opera yorouba. Le chef-d’œuvre d’Ogunmola était une version mise en scène de l’Ivrogne dans la brousse, d’Amos Tutuola. Oba koso (1964, «Le roi ne pend pas»), de Duro Ladipo, est l’un des rares folk operas à avoir été publié dans sa langue d’origine, et ses Trois Pièces yorouba (1964), incluant Oba koso et Oba waja («Le roi est mort»), ont été publiées en version anglaise. Ces œuvres, inspirées de l’histoire, des mythes et des légendes yorouba, sont cependant bien plus savoureuses sous forme de spectacles. Les dialogues sont réduits au minimum; la langue, très imagée, est truffée de proverbes et d’allusions; les thèmes sont austères et souvent tragiques, et une grande partie de l’impact sur le public émane de la musique, du son des tambours, et des danses cérémonielles.

J. P. Clark (Nigeria) a écrit plusieurs pièces importantes en anglais: Song of Goat (1960), un drame émouvant se déroulant dans un village de pêcheurs ijaw (delta du Niger), The Masquerade (1964), The Raft (1964), et Ozidi, une version modernisée et scénique d’une cérémonie ijaw. Mais le dramaturge le plus significatif du monde africain reste sans conteste Wole Soyinka (Nigeria). Abordant du point de vue artistique la prise de conscience de l’identité africaine, s’ancrant dans l’univers mythique et cosmologique yorouba tout en traitant de sujets contemporains touchant non seulement au Nigeria, mais à toute l’Afrique, Soyinka a su créer des œuvres scéniques d’une grande puissance, souvent sur le ton du comique satirique.

Profondément africaines dans leur expression, leur perception et leur impact sont universels. Sa pièce la Danse de la forêt (1963, A Dance of the Forest), qui lui avait été commandée pour la célébration de l’indépendance du Nigeria, mais qui fut interdite de représentation, est une œuvre complexe qui, sur la trame des mythes yorouba, présente une nation examinant sans complaisance sa propre histoire, ses illusions, et les choix auxquels son peuple est confronté. Le Lion et le Bijou (1963, The Lion and the Jewel) et les Tribulations de frère Jero (1963, The Trials of Brother Jero) sont des satires comiques traitant de la vie dans les villages et dans les villes, et du vernis de l’européanisme. Un sang fort (1963, The Strong Breed) et les Gens du marais (1963, The Swamp Dwellers) donnent des portraits poignants de la vie villageoise. La Récolte de Kongi (1967, Kongi’s Harvest) trace le portrait d’un dictateur africain et du culte de la personnalité qui l’entoure. La Route (1965, The Road), l’Écuyer et la mort du roi (1975, Death and the King’s Horseman) et Fous et Spécialistes (1971, Madmen and Scientists) sont des drames philosophiques. Ce ne sont que quelques illustrations de la production théâtrale de Soyinka, qui a fait de lui le dramaturge le plus prolifique du continent.

Pour l’ensemble de son œuvre, théâtre, poésie, fiction, mais aussi critique et essais (Mythe, littérature et le monde africain (1975), Myth, Literature and the African World), Wole Soyinka s’est vu attribuer en 1986 le prix Nobel de littérature. Premier auteur noir africain à recevoir cet honneur, Soyinka l’a accepté, non pas en son seul nom, mais comme une reconnaissance de la réussite littéraire de l’Afrique tout entière.

Internationalisation ou particularismes

L’écrivain d’Afrique noire se trouve confronté à la fois à une internationalisation de ses codes de référence et à un réflexe d’intériorisation et de «désidéologisation» de son écriture. Sa recherche des publics et des partenaires culturels devient difficile pour des raisons à la fois très directement matérielles et financières (à l’exception du Nigeria, la production africaine dépend encore très largement des maisons d’édition et des financements non africains) et aussi très intellectuelles (l’écrivain a le choix de s’exprimer en une langue européenne – et il se coupe de la masse de ses compatriotes – ou en un parler «national» – et il disparaît dans la balkanisation culturelle). Une inquiétude morale et tragique traverse de plus en plus cette littérature. Il faut prendre conscience des liens quasi schizophréniques qui se sont tissés entre les écrivains africains et leurs publics. Comme le souligne le romancier nigérian Kole Omotoso, les romans «deviennent les produits d’une espèce de voyeurisme, un coup d’œil de ceux qui sont riches, la misère lue en silence par ceux qui n’en ont rien à faire de la dénoncer».

Source: http://fr.encyclopedia.yahoo.com

Lu sur diasporas-challenges.com

La littérature moderne d’Afrique noire se situe au confluent de divers courants: ses propres traditions locales et diverses; l’impact des mondes islamiques et arabes; l’influence omniprésente du colonialisme européen et du christianisme. Les Africains se sont montrés particulièrement prolifiques depuis la Seconde Guerre mondiale; utilisant le français, l’anglais, le portugais et plus de quarante langues africaines, ils ont composé de la poésie, de la fiction, du théâtre, et inventé des formes d’écriture pour lesquelles il n’existe pas de descriptif dans le monde littéraire européen. Leurs œuvres dressent le portrait de la réalité politique et sociale moderne, et s’attachent aux systèmes de valeurs, qu’ils soient ou non africains. Dans le même temps, leurs écrits sont fondés sur les traditions indigènes et des visions du monde typiquement africaines.

Bien avant l’arrivée des Européens, avant même le développement de l’écriture, les peuples de l’Afrique sub-saharienne ont exprimé de façon artistique leurs pensées, leurs sentiments et leurs préoccupations les plus profonds, sous la forme de mythes, de légendes, d’allégories, de paraboles et de contes, de chants et de mélopées, de poèmes, de proverbes, de devinettes et de théâtre. Certaines formes traditionnelles de la littérature orale ont survécu jusqu’à nos jours, tandis que des formes nouvelles ne cessent d’apparaître. Elles expriment aussi bien des thèmes contemporains que des thèmes du passé. Leurs styles sont influencés par le monde extérieur, comme par les différentes cultures présentes en Afrique. Elles se sont adaptées aux influences modernes, et influencent elles-mêmes les différents modes d’écriture contemporains. Les littératures traditionnelles fournissent la trame des nouvelles structures, des nouvelles techniques et des nouveaux styles qui transcendent les modèles littéraires figés imposés par l’Europe.

La tradition orale

La tradition orale est un témoignage qu’une génération transmet à la suivante, ce qui comprend non seulement ce que l’on raconte des événements du passé, mais aussi toute une littérature orale où l’imagination a sa part. Il ne faut pas envisager l’oralité comme l’absence d’écriture, ce qui serait la définir de façon négative, par un manque; en réalité, la tradition africaine de littérature orale est aussi riche en contenu et en variété que celle de n’importe quelle autre sphère culturelle qui utilise l’écriture.

Cependant, son étude fait l’objet d’une méthodologie différente qui doit s’accommoder de la forme même de la transmission des traditions, mythes, contes, etc. Cette tradition est moins connue du monde occidental que l’art africain, car elle a été peu étudiée et n’a pas connu les mêmes formes de diffusion. Les récits en prose – mythes, légendes, contes folkloriques, anecdotes et plaisanteries – sont les formes de littérature orale qui ont fait l’objet de la plus vaste collecte, mais on trouve dans la société africaine d’autres formes d’expression, tout aussi importantes. Ce sont les proverbes, les devinettes, les textes de chanson et de drames, la poésie, les noms faisant l’éloge des individus (titres honorifiques), et les phrases très difficiles à prononcer. Ces formes à la base homogène sont remarquablement vivaces, même auprès des habitants des villes malgré les rapides évolutions culturelles que connaissent les zones urbaines. De fait, certains gouvernements se sont appuyés sur la littérature traditionnelle pour promouvoir des idées d’identité et de solidarité nationalistes. L’influence de l’héritage oral se fait nettement ressentir dans les thèmes, le style, et l’esprit des œuvres de nombreux écrivains contemporains.

Mythes et légendes

On a estimé qu’il existait en Afrique plus de deux cent cinquante mille mythes, légendes et contes populaires. Dans la plupart des récits en prose, on remarque le même genre – des intrigues – et le même contenu – péripéties, personnages et objets – que ceux que l’on retrouve dans d’autres sphères culturelles de l’Ancien Monde, unité résultant du brassage des cultures. Pourtant, chaque société africaine a modelé ces éléments au sein de sa propre littérature, en fonction de ses propres modes de pensée, comme le dit un initié peul: «Le savoir est connaissance de l’homme, mais aussi de tout ce qui n’est pas l’homme, car il lui a été donné de connaître ce qui n’était pas lui» (Amadou Hampaté Bâ, Koumen).

Parmi les plus célèbres mythes transcrits par des ethnologues figurent les mythes dogons; dans leur ouvrage le Renard pâle, Marcel Griaule et Germaine Dieterlen définissent ainsi les mythes: des «explications indigènes des manifestations de la nature (anthropologie, botanique, zoologie, géologie, astronomie, anatomie et physiologie) comme des faits sociaux (structures sociales, religieuses et politiques, techniques, arts, économie, etc.)». Les mythes et les légendes sont donc rarement différenciés de l’Histoire dans les classifications indigènes, mais considérés au contraire comme de vrais récits historiques que l’on distingue des contes populaires, supposés fictifs. Les contes magiques mettant en scène des animaux comme la tortue, le lièvre, le lapin, le chevreau ou l’araignée sont les plus connus des récits africains.

Dans les récits magiques mettant en scène des hommes et des dieux, on trouve principalement des rois et des roturiers, des jumeaux, des chasseurs, des ogres, et le «petit peuple».

Proverbes, devinettes et contes

Les proverbes sont souvent employés pour renforcer des arguments, et pour enrichir la conversation. Les utiliser avec habileté est, dans les sociétés africaines, un signe d’érudition et d’élégance dans l’expression. De nombreux proverbes sont très subtils, et ne peuvent être compris que par les auditeurs familiarisés avec la culture de celui qui les énonce; aussi, l’étude des proverbes offre-t-elle une vision précise des valeurs de base d’un groupe culturel.

Les devinettes ont été beaucoup moins étudiées que les proverbes, car elles sont principalement utilisées par les enfants. Elles sont plutôt formulées comme des assertions que comme des questions, et la relation entre l’interrogation et la réponse peut être subtile au point de nécessiter une connaissance approfondie de la matrice culturelle. On rencontre aussi des devinettes d’intonation (assertions reliées entre elles uniquement par la similarité de l’intonation), ou des devinettes-proverbes (adages liés par le sens, mais qui peuvent être utilisés indépendamment). Parfois les devinettes ne sont pas destinées à surprendre l’auditoire, mais à établir une sorte de dialogue social, dans lequel les réponses sont connues de tous, et proférées à l’unisson. Dans la plupart des sociétés africaines, la plupart des membres du groupe connaissent les devinettes.

Le conte, élevé en Afrique au rang des beaux-arts, peut, dans certaines sociétés, être rapporté par des conteurs professionnels. Les contes populaires sont généralement racontés le soir durant la saison sèche, et l’interaction entre le narrateur et l’auditoire atteint souvent des sommets d’intensité dramatique. Le bon conteur est un acteur consommé, utilisant ses mains, sa voix et son corps pour renforcer ses effets, quand il mime les tours du magicien, ou la traque du chasseur. Les devinettes précèdent souvent la narration, et le conte est ponctué de musique et de chants, avec la participation du public. L’auditoire peut répondre à une question du narrateur, ou faire office de chœur en accompagnant les chansons en solo. Au fur et à mesure du déroulement de l’histoire, le public peut manifester son approbation ou critiquer le narrateur s’il juge sa performance insatisfaisante.

Fonctions de la tradition orale

Les différentes formes de littérature orale remplissent plusieurs fonctions dans la société africaine. Sources de distraction, elles ont également une valeur éducative pour les jeunes, diffusent les rituels et les croyances, encouragent la conformité aux normes culturelles, et apportent un soulagement psychologique dans un cadre institutionnalisé. Souvent, une consigne de bonne éducation est ajoutée à la fin des contes racontés aux enfants, pour insister sur ses implications morales. Les devinettes servent à dégourdir l’esprit des jeunes gens, tout comme les énigmes dont on ignore la réponse, qui ont la même fonction auprès de leurs aînés. Les mythes font autorité en matière de croyance surnaturelle et de pratique rituelle, et servent à justifier la propriété terrienne, la position sociale et l’autorité politique. Les proverbes peuvent être utilisés dans la conversation courante pour guider, encourager, complimenter, admonester ou désapprouver. Ils sont parfois cités dans les tribunaux comme précédents dans le déroulement d’une plaidoirie, ou utilisés comme artifices rhétoriques pour impressionner les juges. Des associations de théâtre chez les peuples parlant la langue ibibio (sud-est du Nigeria) utilisent des pièces satiriques jouées par des humains et des marionnettes pour exercer une pression sociale sur des personnes ou des groupes ne parvenant pas à se conformer aux préceptes culturels.

Enfin, les distorsions de la réalité culturelle présentes dans les contes peuvent symboliser l’accomplissement d’un désir. Les personnages des contes agissent souvent comme les gens souhaiteraient le faire s’ils n’en étaient empêchés par les limitations sociales. Ainsi, le conte joue également un rôle de catharsis.

La littérature écrite

Les courants de la littérature écrite, comme ceux de la littérature orale, remontent loin dans le passé. Antar (Antara ibn Shaddad al-Absi), un guerrier-poète afro-arabe mort en 615, avant l’avènement de l’islam, est au centre d’un célèbre récit épique intitulé le Roman d’Antar, 10 volumes, 1865-1877; Antar, le roman d’un bédouin, 4 volumes, 1819-1820 (un tiers de traduction intégrale). Certaines parties de ce prototype de roman de chevalerie arabe ont été écrites par Antar lui-même. Ses narrateurs ont créé leur propre style et ont été baptisés «antaristes» antariyya. Certains des vers d’Antar et d’autres poèmes du long Roman font référence à ses origines africaines, et c’est la première œuvre classique dans laquelle on trouve trace de préjugés liés à la couleur de la peau. Le poète noir Abu Dulama ibn al-Jaun, mort en 777, composa des vers plein d’esprit pour la cour abbasside de Bagdad. Ziryab (Abul Hasan Ali ibn Nafi), un Afro-Persan connu sous le nom de «Rossignol noir», se rendit en 822 en Espagne, où il contribua de façon considérable à l’évolution de la poésie, de la musique et du chant en Andalousie.

Tous ces poètes étaient nés esclaves. D’autres écrivains africains déracinés se firent connaître dans différentes parties de l’Europe, et plus tard aux Amériques. Parmi eux, citons Juan Latino (né en Guinée), qui écrivait en latin, et Afonso Alvares, le premier à écrire dans une langue européenne (le portugais). L’expérience de l’esclavage puis de l’affranchissement a inspiré ce qui est sans doute le premier récit d’exil africain composé dans une langue européenne: The Interesting Narrative of the Life of Olaudah Equiano or Gustavus Vassa the African, Written by Himself (1789). Dans cette autobiographie, Equiano décrit son enfance au Nigeria, son enlèvement, sa vie d’esclave dans le Sud américain et dans les Caraïbes, et enfin sa vie d’homme libre en Grande-Bretagne.

Les premières traces de littérature écrite en Afrique remontent au XVIIIe siècle, avec un manuscrit en swahili Ubendi wa Tambuka («le poème épique de Tambuka»), daté de 1728.

Au XIXe siècle, on compte la poésie de Joaquim Dias Cordeiro da Matta (Angola) et de Caetano da Costa Alegre (São Tomé), ainsi que diverses œuvres en xhosa d’Africains du Sud: poèmes et récits autobiographiques et de fiction de Samuel E. K. Mqhayi; poèmes et hymnes de Kobe Ntsikana; poésie didactique de William W. Gqoba; écrits contestataires de Hadi Waseluhlangani qu’on appelait «la Harpe du peuple».

Les pionniers du XXe siècle

Parmi les auteurs pionniers de la littérature noire africaine moderne d’avant 1945 se détachent quatre figures, dont trois s’expriment dans des langues africaines.

Le premier romancier moderne du continent à atteindre une reconnaissance internationale, Thomas Mofolo (Afrique du Sud), a écrit trois importants ouvrages de fiction en sotho du sud: Moeti oa bochabela (1907, le Voyageur de l’Est, 1934), récit allégorique de la vie africaine dans l’ancien temps et de la conversion des Africains au christianisme; Pitseng (1910), une histoire d’amour dans un village relatant l’éducation et la cour amoureuse de deux jeunes gens; et le plus célèbre des trois,Chaka (1925), une biographie romancée de la grande figure héroïque de l’histoire zouloue, parue pour la première fois en 1925, traduite ensuite dans de nombreuses langues européennes. Dans les trois romans, on retrouve l’expression de la culture chrétienne de Mofolo, mais également la révélation d’une identification profonde avec son propre peuple et ses traditions culturelles.

Jean-Joseph Rabéarivelo (Madagascar) offre un tragique exemple de l’impact du colonialisme sur un esprit imaginatif et impressionnable. Rabéarivelo apprend le français en autodidacte, et rêve de rencontrer les poètes français qu’il admire de loin. Son pays devient pour lui une prison physique, morale et intellectuelle, ce qui le conduira au désespoir, puis au suicide. Bien qu’il tire son inspiration des poètes de France, il intègre dans son œuvre la qualité de la forme poétique orale malgache «hain-teny», et développe la technique de la métaphore filée. Sa poésie devient le substitut de la liberté qu’il est persuadé ne jamais devoir connaître. L’essentiel de son œuvre se compose de quatre volumes: Sylves (1927), Volumes (1928), Presquesonges (1924, publié en 1934), et Traduit de la nuit (1935).

Robert Shaaban (Tanzanie), est le premier écrivain africain en swahili à aborder des genres différents, inspirés autant de modèles anglais qu’africains. C’est un maître en techniques traditionnelles, mais il écrit plus pour être lu que pour être chanté. Shaaban est le premier à militer pour la reconnaissance du swahili comme langue principale de toute l’Afrique de l’Est, et il écrit des nouvelles et des poèmes pour un public qui, comme lui, n’a pas suivi d’enseignement supérieur. Ses essais, traitant de sujets très divers, sont rassemblés dans Kielezo cha Insha (1954, «essais modèles»), et ses autres œuvres dans une série de volumes intitulés Diwani ya Shaaban (à partir de 1959).

La fiction moderne en prose en yorouba connaît ses véritables débuts en 1939, quand Olorunfemi Fagunwa (Nigeria) écrit Ogboju Ode Ninu Igbo Irunmale, traduit par Wole Soyinka sous le titre The Forest of a Thousand Daemons (1968). Un vieux chasseur y raconte ses aventures dans la forêt vierge.

Beaucoup de ses récits sont des contes populaires, illustrant les croyances yorouba en matière d’esprits, de fantômes, et des choses étranges qui peuvent arriver dans la forêt. En même temps, le livre dépeint les problèmes ordinaires de la vie quotidienne dans les foyers traditionnels, le tout ponctué de réflexions morales ou éthiques. Les trois romans suivants de Fagunwa – Igbo Olodumare (1946, «la forêt du Seigneur»), Ireke-Onibudo (1948, «le bâton du garde»), et Irinkerindo Ninu Igbo Elegbeje: Apa Keta Olodumare (1954, «aventures dans la forêt d’Elegbeje») – sont tous l’histoire d’une quête. Sa dernière œuvre, Adiitu Olodumare (1961, «le secret de Dieu»), est plus réaliste. Fagunwa a montré comment les bases de la culture populaire pouvaient être intégrées à la fiction moderne. Ce faisant, il a su convaincre les Yoroubas instruits de la valeur de leur héritage traditionnel, et a exercé une influence importante sur d’autres écrivains nigerians.

La fiction moderne

Suivant la trace de Fagunwa, et utilisant fréquemment les mêmes éléments, Amos Tutuola (Nigeria) est l’auteur de six œuvres de fiction en anglais qui ont retenu l’attention au niveau international: l’Ivrogne dans la brousse (1952, traduit en français par Raymond Queneau, titre original The Palm Wine Drinkard); My Life in the Bush of Ghosts (1954, «ma vie dans la brousse des fantômes») ; Simbi et le satyre de la jungle noire (1955, Simbi and the Satyr of the Dark Jungle); The Brave African Huntress (1958, «la vaillante chasseresse africaine») ; The Feather Woman of the Jungle (1962, «la femme-plume») ; Ajayi and His Inherited Poverty (1967, «comment Ajaiyi reçut la pauvreté en héritage»). Tous ces récits sont des quêtes mystiques, des romans qui exploitent des contes et légendes yoroubas, dans un anglais qui ressemble à l’idiome populaire, mais qui utilise abondamment les références modernes – les rayons X, les fils électriques, le klaxon, et «le fantôme dont les mains sont des téléviseurs».La parution en 1958 de Le monde s’effondre (Things fall apart), de Chinua Achebe, marque l’essor du roman moderne d’Afrique noire en anglais. Achebe a mis dans sa fiction tout le monde africain, et son style doit beaucoup à la tradition orale en dialecte, à l’usage des proverbes, au rythme et à la teneur de la parole. Le monde s’effondre raconte l’histoire du désarroi d’une petite communauté du Nigeria, jusque-là soudée et bien organisée, au moment où les premiers missionnaires et les fonctionnaires coloniaux persuadent certains autochtones d’abandonner leurs croyances traditionnelles. Le Malaise (1960, No longer at Ease) est une suite, centrée sur un jeune homme pétri d’aspirations européennes, qui revient dans son village après avoir fait des études en Angleterre. La Flèche de Dieu (1964, Arrow of God) montre le christianisme comme une force de division dans la société africaine. La lutte entre les dieux a été complètement resituée dans l’arène politique.

Dans les années 1960, les écrivains de fiction d’expression anglaise tournent leur attention vers des problèmes plus contemporains. Dans le Démagogue (1966, A Man of the People), Achebe utilise la satire pour critiquer le gouvernement corrompu et la politique d’appareil. Le roman les Interprètes (1965, The Interpreters), de Wole Soyinka (Nigeria), offre une vue kaléidoscopique de la vie urbaine en Afrique, par l’intermédiaire des mésaventures simultanées de cinq différents «héros». Saison d’anomie (1973, A Season of Anomy) est une allégorie illustrant les expériences du Nigeria sous des gouvernements civils et militaires autoritaires. Les romans de Ayi Kwei Armah (Ghana) – Deux mille saisons (1973-1974, Two Thousand Seasons), Fragments (1970), et L’âge d’or n’est pas pour demain (1969, The Beautiful Ones Are Not Yet Born) – offrent une reconstruction et une évaluation visionnaire du passé, et simultanément, une vision très réaliste de la corruption et du déclin moral de l’Afrique indépendante. Le roman allégorique This Earth, My Brother… (1971), de

Kofi Awoonor (Ghana), décrit la dépression mentale d’un jeune homme au milieu de la confusion morale ambiante.

La fiction noire africaine d’expression française insiste sur la lutte contre le colonialisme, la recherche d’identité et le combat contre la tyrannie après l’indépendance. Mongo Beti (Cameroun) a tenté de détruire les prétendants à la supériorité politique, culturelle et spirituelle. Ses nouvelles font exploser à la fois les mythes chrétiens et coloniaux. Ville cruelle (1954) décrit la vie de paysans africains dans une exploitation de bois appartenant à des Européens. Le Pauvre Christ de Bomba (1956), Mission terminée (1957), et le Roi miraculé: Chronique des Essazam (1958) sont des études satiriques des absurdités et de la cruauté de la loi coloniale.

Remember Ruben (1974, le titre est en anglais) et Perpétue (1974) traitent de la lutte juste avant l’indépendance, et de l’impact de la loi autoritaire sur les individus. La Ruine presque cocasse d’un polichinelle (1979) reprend les mêmes thèmes, mais se déroule pendant l’indépendance.

Le style de Ferdinand Oyono (Cameroun), d’un réalisme voulu, agrémenté d’un humour mordant et d’un don d’observation sans pitié, domine ses principaux romans, Une vie de boy (1956), le Vieux Nègre et la Médaille (1956), et Chemins d’Europe (1960). La reconstitution pleine d’imagination d’une vision du monde et d’une réalité authentiquement africaines imprègne l’œuvre de Camara Laye (Guinée), que ce soit dans l’autobiographie émouvante et pleine de poésie intitulée l’Enfant noir (1953), ou dans le Regard du roi (1954), une allégorie complexe de l’interaction entre les valeurs africaines et européennes.

Ousmane Sembène (Sénégal) a connu une renommée internationale à la fois en tant que réalisateur de films, et en tant que romancier. Ses romans le Docker noir (1956), Ô pays, mon beau peuple! (1957), les Bouts de bois de Dieu (1960), l’Harmattan (1964), et le Dernier de l’empire (1981) sont conçus comme des épopées combinant la ferveur révolutionnaire et une vision particulièrement humaniste, allant bien au-delà du récit réaliste dans la description des forces et des faiblesses de l’être humain, de l’héroïsme et de la solidarité communautaire.

Ngugi wa Thiong’o (Kenya) est devenu le principal romancier moderne de l’Afrique orientale. Ses trois premiers livres décrivent des Africains sous la férule coloniale. Enfant, ne pleure pas (1964, Weep not, Child) est une histoire de pauvreté et de souffrance durant la guerre d’indépendance de son pays. La Rivière de vie (1965, The River Between) se déroule durant la fondation du Mouvement kikuyu pour les écoles indépendantes, tentative d’offrir une alternative à l’enseignement missionnaire. Et le blé jaillira (1967, A Grain of Wheat) est un récit compliqué et fort de trahison et de souffrance dans les soubresauts de l’indépendance. Les thèmes centraux de Ngugi sont le pouvoir politique et le mouvement de l’Histoire, tandis que la terre reste son principal symbole. Pétales de sang (1977, Petals of Blood) et Caitaani Mutharabaini (1980, écrit en kikuyu et traduit sous le titre le Diable sur la croix), sont des critiques virulentes du Kenya indépendant.

Le roman de l’écrivain soudanais al-Tayyib Sâlih, Mawsim al-hijra ilâ al-shimâl(1966, la Saison de la migration vers le nord) s’inspire dans sa forme du récit à la première personne dans le style de Conrad, dont il propose une interversion mimétique intéressante. Le roman part du cœur de l’Europe pour retourner au village natal du narrateur.

L’Afrique du Sud est riche de fiction en langues africaines, avec notamment les œuvres de A. C. Jordan et de Jordan K. Ngubane. Le roman de A. C. Jordan, Inggoubo yeminyaya (1940, «la colère des esprits ancestraux»), est devenu un classique de la fiction moderne xhosa. Celui de Ngubane, Uvalo Lwezinhlonzi (1957, «d’un regard, il provoquait la terreur»), écrit en zoulou, fut suivi de Ushamba: The Hurtle to Blood River, écrit en anglais (1974, édition révisée en 1979), ouvrage interdit en Afrique du Sud.

Le premier roman d’un écrivain noir d’Afrique du Sud à connaître un succès international fut Mine Boy (1946), de Peter Abrahams. Parmi ses œuvres, écrites pour la plupart alors qu’il vivait au Ghana, en Grande-Bretagne ou à la Jamaïque, on compte également Rouge est le sang des Noirs (1946), A Wreath for Udomo (1956), Wild Conquest (1950), le Sentier du tonnerre (1948, The Path of Thunder), et les deux romans autobiographiques Je ne suis pas un homme libre (1954, Tell Freedom), et Return to Goli (1953).

Les courts romans d’Alex La Guma offrent une peinture intense des réalités particulières de la vie en Afrique du Sud sous le régime de l’apartheid, mais vont bien au-delà des limites du naturalisme en plongeant un regard profond et dérangeant au cœur de l’humanité. A Walk in the Night (1962) et And a Threefold Cord (1964) décrivent la vie dans le ghetto du Cap. The Stone Country (1967) est inspiré de manière très réaliste de la propre expérience de La Guma en prison. In the Fog of the Season’s End (1972) a pour sujet la lutte activiste en Afrique du Sud, et Time of the Butcherbird (1979) traite de la ségrégation géographique et du déplacement forcé des populations noires vers les «homelands». Bessie Head, également sud-africaine de naissance, a passé pratiquement toute sa vie au Botswana; les thèmes de l’exil et de l’éloignement sont au centre de ses romans When Rainclouds Gather (1969), Maru (1971) et A Question of Power (1974). Le Zimbabwéen Dambudzo Marechera, mort du sida en 1987, trace une violente critique de la misère dans la Maison de la faim (1999, The House of hunger).

Es’kia Mphahlele est le plus célèbre des écrivains noirs d’expression anglaise d’Afrique du Sud. Son roman, Down Second Avenue (1959) est un chef-d’œuvre autobiographique, et il a été suivi d’un second ouvrage du même genre, Afrika My Music: An Autobiography, 1957-83 (1984). Mphahlele a également écrit des essais de critique littéraire: Voices in the Whirlwind (1972), et The African Image (1962, édition revue en 1974), et a traité le thème de l’exil dans deux romans: The Wanderers (1971) largement inspiré de son propre exil; Chirundu (1980), situé en Zambie, qui évoque le destin de deux Noirs exilés d’Afrique du Sud, dont l’un conclura que connaître à nouveau la détention et la torture est encore préférable à l’exil loin de son pays.

La nouvelle est une forme littéraire qui a fourni une riche moisson à l’Afrique du Sud. Celles de Mphahlele ont été rassemblées dans les recueils Man Must Live, and Other Stories (1947), et The Living and The Dead (1961). Nat Nakasa, Can Themba, Arthur Maimane, Bloke Modisane, Richard Rive, et Alex La Guma, ont entre autres, eux aussi produits des petits chefs-d’œuvre de ce genre.

D’expression portugaise, Bernardo Honwana du Mozambique s’est fait connaître lui aussi pour ses nouvelles. En Angola, José Luandino Vieira, s’est fait remarquer avec Luuanda (1964), trois longs contes qui restituent le langage et la vie des habitants pauvres des villes, tandis que Manuel Rui, dans le Porc épique (1999, Quem me dera ser onda) critique avec férocité la bureaucratie durant l’ère socialiste, dans une satire de laquelle ne sont pas exclues la tendresse et la réflexion philosophique.

La poésie moderne

La poésie africaine d’expression française est née en dehors du continent, parmi des auteurs qui ont tenté de redécouvrir leur identité africaine, de réaffirmer un sens perdu de la dignité, et de proclamer l’héritage de l’histoire et de la culture africaines aux yeux du monde dominé par l’Europe qui niait son existence. Dans son célèbre Cahier d’un retour au pays natal (1939), c’est le poète antillais Aimé Césaire qui a donné le nom de négritude, à cette affirmation de l’identité africaine.

Pour Leopold Sédar Senghor (Sénégal), le concept devient un thème à la fois esthétique et mystique; dans son essai l’Esthétique négro-africaine (1956), il tente de définir la négritude, qu’il a

illustrée dans son Anthologie de la nouvelle poésie noire et malgache de langue française (1948). Cette anthologie ainsi que ses propres recueils de poèmes Chants d’ombre (1945), Éthiopiques (1956), et Nocturnes (1961) ont fait de lui le chantre de cette négritude que l’on retrouve dans les poèmes de trois autres Africains de l’ouest:

Birago Diop, David Diop et Bernard Dadié. Le poème Souffles (1947), de Birago Diop, est souvent cité comme exemple de ce mouvement littéraire. Tchicaya U Tam’si (Congo), entremêle les influences du surréalisme, de Césaire, du symbolisme français, de l’imagerie catholique romaine, du paysage congolais et de l’angoisse de l’exil dans cinq puissants recueils de poésie – Feu de brousse (1957), À triche-cœur (1958), Épitomé: les mots de tête pour le sommaire d’une passion (1962), le Ventre (1964), et l’Arc musical (1969).

La poésie africaine d’expression anglaise traite de thèmes similaires. On y trouve souvent en plus un certain sens de l’humour, parfois amer et sardonique, parfois chaleureux et réellement comique.

Christopher Okigbo (Nigeria) semble échapper à l’aliénation et à la frustration des générations précédentes. Ses œuvres les plus connues, Heavensgate (en quatre parties, 1962), et Limits (1964), ont pour thèmes le supplice, l’angoisse, et la purification.

Deux recueils, Idanre (1967), Idanre and Other Poems (1967), et A Shuttle in the Crypt (1942), ont fait de Wole Soyinka un des plus importants poète nigerian. The House by the Sea (1978), ouvrage marquant de Kofi Awoonor, comprend une série de poèmes puissants écrits durant l’année où il a été emprisonné par un gouvernement militaire.

La poésie sud-africaine d’expression anglaise déborde de la passion de la contestation et du caractère poignant de l’exil. Dennis Brutus a publié différents recueils – Sirens, Knuckles and Boots (1963), Letters to Martha and Other Poems from a South African Prison (1968), Thoughts from Abroad (1970), A Simple Lust (1973), Strains (1975; édition révisée en 1982), et Stubborn Hope (1978) – qui évoquent l’emprisonnement, la révolution, la libération, et l’expérience de l’exil. Arthur Nortje, décrit par Brutus comme «peut-être le meilleur poète sud-africain de notre temps», a subi l’exil forcé et s’est donné la mort en 1970; ses poèmes sont rassemblés sous le titre de Dead Roots (1973). À l’instar de Brutus, d’autres poètes importants ont quitté l’Afrique du Sud pour écrire depuis leur lieu d’exil: parmi les œuvres de Mongane Serote, on trouve un important recueil de poésie, Tsetlo (1975), et un roman, To Every Birth its Blood (1981); parmi celles de Keorapetse Kgositsile, on remarque les poèmes rassemblés dans Spirits Unchained (1969), For Melba (1970), My Name is Afrika (1971), The Present Is a Dangerous Place to Live (1974), et Herzspuren (publié en Allemagne en 1980); Mazisi Kunene, poète et érudit de la littérature zouloue, s’exprimant en zoulou et en anglais, a tenté dans deux poèmes épiques de grande envergure – Emperor Shaka the Great (1979) et Anthem of the Decades (1981) – de restituer l’esprit, la substance, et les techniques de la tradition orale zouloue.Le nombre de poètes africains lusophones a considérablement augmenté au cours du XXe siècle. Parmi les plus célèbres dans les années précédant la Seconde Guerre mondiale, citons Eugenio Tavares et Jorge Barbosa, tous deux originaires du CapVert, le poète et folkloriste aveugle Oscar Ribas, de l’Angola, Rui de Noronha, du Mozambique, et Francisco José Tenreiro, de São Tomé.

Le passage à la période moderne s’effectue à travers l’œuvre de Mario da Andrade (Angola), pas seulement par le biais de sa propre poésie, mais par celui de son anthologie riche et originale, Literatura africana de expressão portuguesa (1967-1968). Parmi les poètes contemporains, on distingue Agostinho Neto (le premier président de l’Angola), Valente Malangantana et José Craveirinha, du Mozambique, ainsi que l’Angolais Antonio Cardoso.

Le théâtre

Bien que l’art dramatique soit un genre florissant dans l’Afrique d’aujourd’hui, le théâtre sous forme de textes littéraires édités reste rare. Du point de vue de la culture africaine, les deux éléments ne sont pas contradictoires. Le théâtre est l’un des arts du spectacle les plus complexes et multidisciplinaires, et son développement remonte fort loin dans les traditions de l’Afrique noire. Le ntsomi était une forme d’expression xhosa, comme l’étaient les mascarades du Nigeria. La pièce zouloue Umxakazawakogingqwayo a été transcrite d’après une représentation orale de la fin du XIXe siècle. Le conte populaire, le chant des louanges ainsi que certains rituels et cérémonies avaient eux aussi un côté théâtral. Ils combinaient le chant, la musique, le mime, la parole scandée, la danse, et d’autres formes d’action symboliques, et s’accompagnaient de costumes, d’accessoires et de masques, tout en utilisant tous les éléments – intrigues, presonnages et action – qui se combinent au spectacle pour en faire du théâtre. Ils ont perduré jusqu’à nos jours, intégrant des éléments contemporains et souvent aussi des influences extérieures, à leurs modes et techniques de représentation. Ces traditions ont également donné naissance à de nouvelles formes modernes, telles que la «concert party» au Ghana, et le «folk opera» yorouba au Nigeria, qui ne se prêtent pas aisément à la publication de textes imprimés.

Les arts du spectacle africains se sont également développés sous la forme de pièces bibliques librement inspirées des Écritures, souvent pleines d’humour grivois, et dans lesquelles la musique africaine et les chants tiennent une place importante. Dans les années 1940 et 1950, Hubert Ogunde a sécularisé ce type de théâtre, le transformant tout d’abord en divertissement populaire, puis en critique sociale judicieuse, humoristique et efficace. Ogunde, imité par Kola Ogunmola (Nigeria), qui travaille dans la même veine, sont les créateurs du folk opera yorouba. Le chef-d’œuvre d’Ogunmola était une version mise en scène de l’Ivrogne dans la brousse, d’Amos Tutuola. Oba koso (1964, «Le roi ne pend pas»), de Duro Ladipo, est l’un des rares folk operas à avoir été publié dans sa langue d’origine, et ses Trois Pièces yorouba (1964), incluant Oba koso et Oba waja («Le roi est mort»), ont été publiées en version anglaise. Ces œuvres, inspirées de l’histoire, des mythes et des légendes yorouba, sont cependant bien plus savoureuses sous forme de spectacles. Les dialogues sont réduits au minimum; la langue, très imagée, est truffée de proverbes et d’allusions; les thèmes sont austères et souvent tragiques, et une grande partie de l’impact sur le public émane de la musique, du son des tambours, et des danses cérémonielles.

J. P. Clark (Nigeria) a écrit plusieurs pièces importantes en anglais: Song of Goat (1960), un drame émouvant se déroulant dans un village de pêcheurs ijaw (delta du Niger), The Masquerade (1964), The Raft (1964), et Ozidi, une version modernisée et scénique d’une cérémonie ijaw. Mais le dramaturge le plus significatif du monde africain reste sans conteste Wole Soyinka (Nigeria). Abordant du point de vue artistique la prise de conscience de l’identité africaine, s’ancrant dans l’univers mythique et cosmologique yorouba tout en traitant de sujets contemporains touchant non seulement au Nigeria, mais à toute l’Afrique, Soyinka a su créer des œuvres scéniques d’une grande puissance, souvent sur le ton du comique satirique.

Profondément africaines dans leur expression, leur perception et leur impact sont universels. Sa pièce la Danse de la forêt (1963, A Dance of the Forest), qui lui avait été commandée pour la célébration de l’indépendance du Nigeria, mais qui fut interdite de représentation, est une œuvre complexe qui, sur la trame des mythes yorouba, présente une nation examinant sans complaisance sa propre histoire, ses illusions, et les choix auxquels son peuple est confronté. Le Lion et le Bijou (1963, The Lion and the Jewel) et les Tribulations de frère Jero (1963, The Trials of Brother Jero) sont des satires comiques traitant de la vie dans les villages et dans les villes, et du vernis de l’européanisme. Un sang fort (1963, The Strong Breed) et les Gens du marais (1963, The Swamp Dwellers) donnent des portraits poignants de la vie villageoise. La Récolte de Kongi (1967, Kongi’s Harvest) trace le portrait d’un dictateur africain et du culte de la personnalité qui l’entoure. La Route (1965, The Road), l’Écuyer et la mort du roi (1975, Death and the King’s Horseman) et Fous et Spécialistes (1971, Madmen and Scientists) sont des drames philosophiques. Ce ne sont que quelques illustrations de la production théâtrale de Soyinka, qui a fait de lui le dramaturge le plus prolifique du continent.

Pour l’ensemble de son œuvre, théâtre, poésie, fiction, mais aussi critique et essais (Mythe, littérature et le monde africain (1975), Myth, Literature and the African World), Wole Soyinka s’est vu attribuer en 1986 le prix Nobel de littérature. Premier auteur noir africain à recevoir cet honneur, Soyinka l’a accepté, non pas en son seul nom, mais comme une reconnaissance de la réussite littéraire de l’Afrique tout entière.

Internationalisation ou particularismes

L’écrivain d’Afrique noire se trouve confronté à la fois à une internationalisation de ses codes de référence et à un réflexe d’intériorisation et de «désidéologisation» de son écriture. Sa recherche des publics et des partenaires culturels devient difficile pour des raisons à la fois très directement matérielles et financières (à l’exception du Nigeria, la production africaine dépend encore très largement des maisons d’édition et des financements non africains) et aussi très intellectuelles (l’écrivain a le choix de s’exprimer en une langue européenne – et il se coupe de la masse de ses compatriotes – ou en un parler «national» – et il disparaît dans la balkanisation culturelle). Une inquiétude morale et tragique traverse de plus en plus cette littérature. Il faut prendre conscience des liens quasi schizophréniques qui se sont tissés entre les écrivains africains et leurs publics. Comme le souligne le romancier nigérian Kole Omotoso, les romans «deviennent les produits d’une espèce de voyeurisme, un coup d’œil de ceux qui sont riches, la misère lue en silence par ceux qui n’en ont rien à faire de la dénoncer».

Source: http://fr.encyclopedia.yahoo.com

Lu sur http://www.diasporas-challenges.com

Haïti et les écrivains, une histoire d'amourAlain Mabanckou, ici au côté de Dany Laferrière, a été adopté par les Haïtiens comme un des leurs.

 

Le 3e Festival international du livre vient de se tenir à Port-au-Prince. Un beau défi, relevé avec succès dans un pays qui voue un culte à la littérature. Carnet de bord.

Le 12 janvier !

A Haïti, la date claque comme un « 11 septembre ». Un jour gravé à jamais dans la mémoire de Michel Le Bris et de ses compères Lyonel Trouillot et Dany Laferrière, qui s’apprêtaient, en ce 12 janvier 2010, à lancer la 2e édition du festival Etonnants Voyageurs de Port-au-Prince. Tout de suite, ils témoignèrent sur le séisme meurtrier et se jurèrent de revenir. Pari tenu. Du 1er au 4 février, quelque 60 auteurs francophones (dont le chanteur Arthur H) débattent de poésie, de crise, de passions humaines devant des auditoires enthousiastes. « Si pauvres que soient les pauvres, ils ont besoin d’âme », s’enflamme Michel Le Bris lorsque l’on s’interroge sur le bien-fondé d’un Salon du livre dans un pays en proie à la misère. Il est vrai qu’au hasard des rencontres – Georges Castera, Emmelie Prophète, Evelyne Trouillot,Louis-Philippe DalembertJames NoëlGary Victor… – se déploie l’extraordinaire vitalité de la littérature haïtienne. Etonnante Haïti, où même les analphabètes sont fiers de leurs poètes ; où, d’un séisme à l’autre (« la dictature est un séisme qui s’installe à demeure », rappelle Laferrière), le peuple se relève, sans cellule psychologique aucune ; et où l’on s’investit dans l’imaginaire, le pays rêvé étant plus facile à vivre que le pays réel. Carnet de route en compagnie de quatre étranges voyageurs….

Mercredi 1er février – Debray, le compagnon de route

C’est le précepte des Etonnants Voyageurs, on s’aère, on mixe, on touille et on s’abreuve d’un joli cocktail de mots. Malice du jour, le mélange est détonant : Régis Debray, l’ancien guérillero, écrivain, sociologue, académicien Goncourt, archétype de la pensée française en marche, fait équipe avec un drôle d’olibrius, Dominique Batraville, grigri au cou, poète romancier, protestant, mais aussi adepte du vaudou en quête de bouddhisme. Direction Jacmel, par la route de l’Amitié, financée par la France dans les années 1970. Soit quelque 80 kilomètres effectués en plus de trois heures. Le coût de l’amitié et, surtout, l’inextricable engorgement de Port-au-Prince, qui renvoie les encombrements parisiens au registre de douces plaisanteries. Au programme, rencontre avec des élèves, à l’Alliance française puis dans un lycée, deux établissements durement touchés par le séisme et venant à peine de renaître des décombres. Régis Debray connaît bien l’île, il a même signé en janvier 2004, pour Dominique de Villepin, un rapport, « Haïti et la France », destiné à faire vibrer de nouveau les relations entre les deux pays. C’est de sa rencontre avec le Jacmélien René Depestre, en 1961 à Cuba, que date la passion de l’ancien compagnon du Che pour l’ex-Saint-Domingue. « Vous les Noirs, vous avez de la couleur, nous venons plus en élèves qu’en pédagogues », entonne-t-il, un rien flagorneur. Et d’évoquer la dette morale de la France et celle, plus littéraire, de Victor Hugo, deBaudelaire, l’amoureux de Jeanne Duval, d’André Breton, de Malraux, le tout devant un parterre médusé d’adolescentes. Les questions fusent bientôt à l’attention de… Dominique Batraville, le grand frère qui a réussi. L’homme dit tout, son parcours chaotique, sa schizophrénie et les sept métiers que tout Haïtien doit avoir pour survivre. Pour lui, c’est poète, romancier, acteur (dans Royal Bonbon, sélectionné à Cannes !), journaliste, éditeur (les bonnes années)… Le public est sous le charme, Debray aussi. L’agrégé de philosophie se déride : « Tu es un faux fou », lance-t-il au grandéchalas. Fin du combat des deux guérilleros. Place aux agapes chez Gérard Borne, directeur de l’admirable école Alcibiade-Pommayrac, créée par Véronique Seydoux-Rossillon, et à un voluptueux bain de mer. Debray est aux anges.

Jeudi 2 février – Mabanckou, le frère africain

« L’enfant noir d’Haïti. » Pour le quotidien Le Nouvelliste, nul doute : Haïti a définitivement adopté le Congolais Alain Mabanckou, l’auteur rieur du Sanglot de l’homme noir, qui vit entre Los Angeles (il y enseigne la littérature francophone) et Paris. Il n’est venu ici que trois fois, mais le grand Frankétienne l’appelle « mon fils » et Dany Laferrière le considère comme son frère depuis leur première rencontre, en 1993, au Salon du livre de Paris – ils publieront bientôt leur abondante correspondance. Mémoires de porc-épicVerre cassé,Black Bazar… Si les auditeurs n’ont pas tous lu son oeuvre, tous l’applaudissent. Une formule choc – « L’écrivain n’est peut-être qu’un musicien raté » -, une anecdote de jeunesse – « On était effrayé, avec mes copains, à l’idée que le si joli mot de coccinelle puisse désigner un insecte qui trimballe de la merde » -, un zeste de sagesse africaine – « qui veut qu’on écoute plus les choses que les gens » – et, en cadeau, la primeur du CD Black Bazar, future BO du film bientôt adapté du roman éponyme… Mabanckou sait y faire pour emballer son public. L’homme à l’éternelle casquette la joue modeste : « Si j’ai été adopté, c’est aussi parce que mon nom leur rappelle leur rhum Barbancourt. »

Vendredi 3 février – Laferrière, notre héros

Peut-être suscite-t-il la jalousie… Peut-être lui reproche-t-on son exil, aujourd’hui doré, de lauréat (du prix Médicis, pour L’Enigme du retour)… Lui, préfère ne pas savoir. Il assume tout, se sent ici au pays, parle de sa mère à tout bout de champ (environ 94 printemps le lundi 6 février), se démultiplie, envoie des messages aux apprentis écrivains (« Je me donne en exemple, pas en modèle ») et assure le show. Comme lors de ses premiers pas à la télévision québécoise en tant que présentateur météo… « Un Noir parlant de blancheur, les Québécois faisaient une de ces têtes ! » Il en rigole encore. En ce vendredi 3, c’est une impressionnante standing ovation qui accueille le romancier et sa consoeur du moment, Léonora Miano, dans l’église du lycée Saint-Louis-de-Gonzague de Port-au-Prince – « Ce n’est pas tous les jours qu’on parle sous une croix, entouré de fleurs. J’avais l’impression d’assister à mes propres funérailles », commentera le joyeux élu. Alors, devant les centaines de jeunes réunis, frère Laferrière lit – non pas l’Evangile, dans la famille c’est la mère qui tient le rôle de la croyante – mais des extraits d’Enigme du retour. Silence de cathédrale. Puis il évoque son père, l’exilé de Miami, ses premiers romans, les « blondes » du Québec, l’écriture, le 12 janvier et le besoin, impétueux, d’écrire dans le quart d’heure suivant la secousse – « J’avais le sentiment de soigner un blessé », explique l’auteur de Tout bouge autour de moi… Bientôt, une longue file se forme. Les élèves ont préparé de subtiles questions, à faire pâlir leurs lointains camarades du Vieux Continent. « Vous avez de l’appétit ! » constate Laferrière, dans un sourire légèrement fatigué.

Samedi 4 février – Yanick Lahens ou l’élégance

Espace Babako. Ils sont trois invités à plancher sur le thème « Habiter un lieu », dont Yanick Lahens, l’une des rares romancières haïtiennes. En l’occurrence, c’est elle qui habite bientôt l’espace, avec son corps, sa grâce, son intelligence. « Un corps, précise-t-elle, qui n’a jamais été chevauché par les dieux » – traduisez, par le vaudou. Pour autant, la distinguée diplômée de la Sorbonne n’est en rien coupée du peuple. Chaque matin, elle part sur le terrain, fait se rencontrer les jeunes de Cité-Soleil et ceux de Piétonville, deux quartiers aux antipodes dans cette société inégalitaire, leur apprend la technique du documentaire, comme elle l’a fait également dans les camps improvisés au lendemain du séisme. Un séisme sur lequel elle a, elle aussi, écrit un superbe texte, Failles, et dans lequel elle voit une occasion ratée. « Comme en 1986 et en 2004, il y eut un frémissement, une tentative de s’éloigner du populisme, mais, en réalité, nous n’avons fait que passer de la léthargie à l’agitation. » Quand elle parle des politiques ou même des intellectuels (« aussi atomisés et inorganisés que le reste du pays »), Yanick Lahens ne mâche pas ses mots. C’est dans la sagesse collective – « Vivre sans illusion, mais sans renoncement » – que l’auteur de La Couleur de l’aube puise sa force.

Lu sur http://www.lexpress.fr